La France compte près de 2 200 000 étudiants. 20% d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté. Trouver de l’argent est pour eux une nécessité. Plusieurs solutions : études en alternance, bourses, aide parentale… Mais certains recourent à une solution pour le moins insolite : ils font commerce de leur corps. C’est le cas de Sophie, jeune Parisienne de 20 ans, étudiante en première année d’arts plastiques, qui depuis un an se prostitue pour financer ses études.

« Depuis que j’ai quitté le domicile familial, je vis seule à Paris, explique-t-elle. Je fais face à des dépenses importantes : une chambre de bonne à 600 euros par mois, 57 euros mensuels pour mon mobile, 291 euros par an pour mon Pass Navigo, 300 euros par mois pour m’habiller et manger, sans compter mes sorties avec mes amis. Il faut rajouter à tous cela, les frais d’études. Pour honorer mes dépenses, j’ai tenté en vain de faire des petits jobs, mais en termes d’emplois du temps, j’avais des difficultés à concilier l’école et le travail. C’est alors que sur les conseils d’une amie, j’ai décidé de faire commerce de mon corps, cela me permet aujourd’hui d’arriver à joindre les deux bouts. »

Notre étudiante ne se voyait pas « faire le trottoir ». Elle ne se considère pas comme une prostituée mais davantage comme une escort girl : « Une escort girl propose un service d’accompagnement : dîner, soirée, voyage », dit-elle. Mais ce type de service se termine toujours par une relation sexuelle : « Mes clients, ajoute-t-elle, recherchent avant tout une belle compagnie avec une jeune et jolie fille, pour passer du bon temps dans tout les sens du terme. »

Pour faire fructifier son petit commerce, Sophie utilise la Toile : « Je me suis crée un site Internet. Les clients peuvent voir des photos de moi soft ou hot, ma bio, les services proposés, et mes coordonnées, et je détaille aussi mes tarifs. » Les prix varient selon le temps passé avec le client : « 250 euros l’heure, 1000 euros la soirée, 1500 euros la nuit. » A la différence d’une prostituée classique, elle est très regardante sur la clientèle : « Avant tout rendez-vous, j’exige que mon client envoie sa photo par mail ; s’il est trop vieux et trop moche, je refuse. En règle générale, mes clients ont entre 30 et 45 ans, cadre, avocat, médecin… et la plupart mariés. »

Depuis qu’elle a intégré ce marché très lucratif, son affaire se porte très bien : « Je me fais un client par jour, sauf le week-end et pendant mes partiels. Je me fais 6000 euros par mois minimum, net d’impôts. » Que fait-elle de son argent ? Sophie croit avoir trouvé la solution : « Je verse sur mon compte bancaire juste de quoi honorer mon navigo, mon abonnement mobile, mon loyer je le paie en cash, je me suis arrangée avec mon proprio. J’ai ouvert un coffre dans ma banque, j’ai mis 30 000 euros à l’intérieur, le reste, je le claque. »

Compte de tenu de la réglementation bancaire sur le blanchiment d’argent et les contrôles réguliers de Tracfin* (cellule française de lutte anti-blanchiment), notre étudiante ne peut déposer sur son compte bancaire régulier ses revenus, fruit d’une activité illégale au regard de la législation. Les banques ont obligation de vérifier la provenance de tout dépôt sur les comptes des clients, au risque d’être considérées comme responsables d’héberger de l’argent sale, en relation avec une entreprise mafieuse ou terroriste.

Sophie ne se préoccupe pas trop de ces problèmes de blanchiment, elle vit au jour le jour, insouciante comme toutes les filles de son âge. Elle veut terminer ses études au plus vite pour faire le métier dont elle a toujours rêvé : prof d’arts plastiques. « J’ai toujours aimé transmettre le savoir aux autres. Aujourd’hui, on va dire que je suis prof de sexe », glisse-t-elle en riant.
Chaker Nouri

Chaker Nouri

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