François Rebsamen, le nouveau ministre du Travail demande à Pôle emploi de renforcer les contrôles pour vérifier que les gens cherchent bien un emploi. Ont-ils vraiment le choix ?

Les chômeurs, arrêtez de compter vos poils de popotin. Usant de termes moins crus, François Rebsamen a demandé à Pôle Emploi de renforcer les contrôles « pour vérifier que les gens cherchent bien un emploi« . Comme 350.000 offres ne sont pas pourvues, il se dit qu’il doit bien y en avoir dans le tas qui mettent un brin de mauvaise volonté.

La proposition met mal à l’aise. Tout le monde connait au moins une personne qui passe deux ans aux Assedic aux frais de la princesse. D’un autre côté, peu de personnes osent critiquer : le chômage c’est comme un accident de la route. On ne sait jamais sur qui ça va tomber. On peut tout aussi facilement se retrouver clouer dans un fauteuil roulant, fauché par un bolide, que sur le canapé du salon devant Motus, fauché par la crise, attendant que la journée passe la main dans le caleçon.

Contrôler les chômeurs, oui, pourquoi pas. Des fainéants il y en a au boulot, il y en a au chômage aussi. Tant pis si on fait des victimes de la crise, les principaux responsables. François Rebsamen oublie les nuances, c’est pourtant la base quand on aborde un sujet délicat. La médecine chinoise soigne le malade pas la maladie. Au ministère du Travail, le malade est présenté comme la maladie. Toutes les personnes en recherche d’emploi semblent mises dans le même panier.

Le ministre du Travail vise dans ses déclarations les gens inscrits à Pôle emploi. Ces derniers ne sont pas représentatifs de la grande caste des chômeurs français. Certes, ils y sont presque tous inscrits, mais peu d’entre eux comptent réellement sur Po-pôle pour reprendre une vie pleinement active. Des chômeurs trouvent du boulot tous les jours. Combien grâce à Pole Emploi ?

La tâche est herculéenne et l’agence fait ce qu’elle peut avec ses petits muscles. Mais comme me l’a un jour expliqué un conseiller de la maison, la majorité des offres d’emploi n’existent pas sur le papier. Elles virevoltent dans l’air, du bouche-à-oreille. Quand un patron ou un DRH a besoin de recruter, il va tout d’abord piocher dans un vivier constitué de ses connaissances, ses amis, son réseau, son fiston, sa maitresse, les anciens élèves de son école, voire son ami imaginaire. Tout plutôt qu’un inconnu.

Généralement à cette étape de la recherche, le poste est déjà pourvu. Si ce n’est pas le cas, certaines compétences pouvant manquer au carnet d’adresses, le recruteur va ressortir du tiroir les CV, dits de candidature libre. Ils en ont tous quelques centaines de paquets. Si par miracle son bonheur n’est pas trouvé dans le tas, il passe une annonce à Pôle emploi. Le dernier recours.

Les trois quarts des boulots à pourvoir, l’agence n’en entend donc pas parler. Avec une telle carence dans la couverture de l’offre, comment peut-on en vouloir à des chômeurs dans l’incapacité de trouver chaussure à leur pied ? Avec un bon réseau, la majorité aurait un boulot en claquant des doigts. Car le vrai Pôle emploi en France, ce sont les soirées parisiennes, celles où l’on est bien vu. Beaucoup de choses se décident sur un beau parquet haussmannien. Un verre échangé y fait office d’entretien d’embauche. La majorité des chômeurs n’ont pas le piston nécessaire pour faire démarrer le moteur de leur voiture, alors celui pour faire décoller leur carrière… »Qu’elle botte j’aurai dû lécher pour éviter le plan social ? « . L’auto-questionnement, première étape du chômage.

Préférer donner du boulot à quelqu’un que l’on connait est un sentiment naturel. Toucher, faute de mieux, des indemnités pour lesquelles on a cotisé, l’ai tout autant, je pense.

Idir Hocini

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