À Noisy-le-Sec, des jeunes ont été embauchés par une entreprise de nettoyage pour remettre au propre les parties communes. Des cages d’escaliers ou halls, qu’ils connaissent bien, puisqu’ils y habitent. 

Sept heures le soleil se lève doucement sur le quartier du Londeau, à Noisy-le-Sec. Quelques travailleurs s’en vont de ces remparts : deux barres d’immeubles encerclées par 7 tours. Dans l’une d’elles, des jeunes se réunissent au 9e étage dans un appartement réaménagé en local. Ils sont 6, équipés de la tête aux pieds : combinaison bleue, gants, masques et lunettes. Chacun d’entre eux fait méticuleusement l’inventaire du matériel nécessaire aux travaux. Les dernières recommandations sont données par le responsable dans cette pièce remplie de produit d’entretien, d’outils et d’électroménager. Un dernier café pour la route avant d’attaquer le chantier.

Le bailleur, Noisy-le-Sec Habitat (anciennement la Sémino) a lancé un chantier de gros nettoyage et d’entretien dans le quartier. Durant 3 mois, de juillet à septembre, la société NMS (Noisy Multiservices) spécialisée dans le nettoyage d’entreprise sous-traite les travaux pour la ville, et propose aux jeunes du quartier d’y participer moyennant rémunération. Le chantier comprend trois tours de 18 étages. Dans ces longs immeubles, l’intégralité des halls d’entrée, des escaliers, des grilles d’aération ainsi que les couloirs seront traités. Chaque mois une tour est retapée par une équipe de 6 jeunes. Ils ont entre 18 et 30 ans et sont tous originaires du Londeau. « Le chômage il y en a partout, mais ce chantier à une signification particulière pour ces jeunes, c’est chez eux ! », confie le responsable de la NMS.

carreNoisylesec2Tout le monde est réactif ! Le matériel est transporté dans des caddies. L’équipe a commencé par le 18e étage, aujourd’hui ils sont au 4e. Pas d’emmêlage de pinceaux, ils se répartissent les rôles. Certains prennent d’assaut les escaliers pendant que d’autres s’occupent du couloir. La marche à suivre, c’est tout d’abord une préparation des lieux, ensuite un coup de décapant qu’ils laissent agir pendant 20 à 30 minutes puis les murs sont grattés à l’huile de coude.

« Je suis arrivé dans ce chantier par le bouche-à-oreille, comme je cherchais un job d’été ! », souligne Ladji. Ce n’est pas un travail de tout repos ! S’engager dans ces durs labeurs où la crasse tenace est en lutte constante avec une odeur d’urine, demande du courage. Dans ces escaliers on trouve de tout, du vomi séché, des molards, des traces d’excréments, car c’est 20 ans de crasse qu’ils extirpent de ces murs. L’urine corrosive laisse des traces indélébiles : des cratères sur des murs et des marches délabrées.

Le chantier est salutaire ! À chaque passage d’un habitant, ce sont des salutations et des sourires à la clef. Les locataires remercient l’implication de ces jeunes par : du thé, du café et des gâteaux à chaque étage. Sans oublier le soutien des gardiens, qui ont été des acteurs importants de ce chantier. Ce sentiment de reconnaissance porte et motive ces jeunes. « Ce chantier est pour moi une preuve que l’on se bouge, que l’on travaille, on n’est pas que des voyous ! », me confie fièrement Kévin.

« On prend d’une certaine manière en considération tous ces gens, c’est plus qu’un chantier c’est du respect, on rend ces lieux habitables ! », me certifie le responsable de la NMS.

C’est une dévotion sans pareille à laquelle se livrent ces jeunes. Ils y vont à fond dans ces taches que certains qualifieront d’ingrates, mais qui restent tout de même indispensables. Ce chantier a vocation de rendre plus agréable ces lieux de vie et préparer un futur chantier de peinture. Ces jeunes l’ont bien compris c’est en se salissant les mains aujourd’hui que l’on bâtit un meilleur lendemain.

Lansala Delcielo

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