Quand nous nous sommes rencontrés en septembre 2008, Vincent, du haut de ses 18 ans, m’impressionnait par sa maturité et son dévouement pour les autres. Par ses dons aussi. Un petit génie qui met son talent au service des personnes lésées par l’existence, c’est bien trop rare à mon goût ! Il venait d’intégrer une école d’ingénieurs et cherchait des subventions à tout va dans le but de réaliser le rêve qui le tenaille : améliorer la vie des personnes handicapées moteur et/ou mentales par le biais de l’art et grâce à la robotique. Nom de code du songe : Handibot.

Armé de son ordinateur et du net, il avait découvert le concours Dreamshake et avait gagné 500 euros pour son projet ambitieux et réfléchi. Depuis, ce parangon de vertu a trouvé des comparses dans sa course effrénée de soutiens financiers qui lui ont permis d’étoffer Handibot. Avec tout au long de sa difficile quête, un déluge de prix.

Dans la foulée de Dreamshake, Vincent rédigeait un dossier pour développer son projet (technique, communication, gestion… ), afin de décrocher une subvention auprès de la Fondation de France, tout en poursuivant ses cours. Motivé à bloc, il l’a rendu en quatre mois. Le dossier devait être en béton armé. « Je devais préciser ce qui se faisait déjà dans la robotique et le handicap, adapter mon CV au projet, développer mes compétences, donner mes références pour démontrer que je suis persévérant, élaborer un prévisionnel, dire quels autres partenaires financiers j’avais, être porté par une association dont les comptes sont à jour sur deux ans, mentionner le montant dont j’avais besoin pour mener à bien mon projet », raconte-t-il.

Heureusement, Vincent, qui n’était pas affilié à une association, est devenu dans le même temps président de l’Association de robotique de son école, ESIEEspace. Il s’est penché sur les comptes de celles-ci : « Je me suis amusé à remonter les comptes sur deux ans. Par chance, j’ai été aidé par le mari de la députée de la Seine-et-Marne, Denys Brunel. La députée elle-même, Chanal Brunel, m’a introduit auprès du président du Rotary Club de Marne-la-Vallée, Michel Lansman. Ce dernier a été très intéressé par mon projet, il a soutenu ma candidature pour obtenir le Prix Servir. »

Vincent a été invité à défendre son idées devant les membres du Rotary Club, qui, touchés, lui ont remis le Prix Servir et le Prix de Travail Manuel, le 6 janvier dernier, avec 1500 euros à la clé. « Tous les membres que j’ai rencontrés m’ont aidé à titre personnel… Un avocat m’a conseillé de protéger mon projet d’une éventuelle copie, un organisateur de salons m’a offert un stand au salon SMAC (Salon des métiers et activités de la création) où j’ai obtenu le SMAC d’or de l’innovation à titre honorifique, un industriel m’a conseillé sur les matériaux à utiliser. »

Il participe ensuite aux Trophées Handi Friends, le 10 mars, et, là aussi, c’est un succès : « J’ai reçu le prix Handi Innovation au Stade de France des mains de David Smétanine, un athlète quatre fois médaillé aux Jeux paralympiques de Pékin. C’était un énorme événement. Il y avait une personne qui traduisait en langage des signes sur grand écran. J’ai reçu ce prix au nom du projet et au nom de mon école. »

Après avoir raflé ces prix en France, Handibot est parti à la conquête de l’international. Bingo la encore. Le 10 avril, il est repéré par l’Association américaine Ashoka YV, afin qu’il participe à un concours mondial d’entrepreneurs innovants âgés de 15 à 23 ans, « Invent your world » : 200 projets à travers le monde sont sélectionnés. Les plus grandes universités américaines MIT, Harvard, Boston, sont de la partie, le premier prix est une bourse d’études d’une valeur de 15 000 dollars, rien que ça ! « J’ai réalisé un dossier, les médias américains ont parlé de moi. » Le père d’Handibot arrive 2e ex-æquo et obtient le prix « Achievement Award ». Son génie a été salué !

Il s’envole alors vers les Etats Unis : « J’y ai été invité 10 jours : ils m’ont payé le billet du voyage et j’avais le droit d’emmener une personne de mon choix. J’ai pris des cours intensifs d’anglais afin de présenter mon projet. Il y avait des conférences super impressionnantes et des tables rondes, comme par exemple « Comment remettre au goût du jour le vélo ». Il y avait des Américains bien sûr, mais aussi des Indiens ou des Argentins, avec des idées de génie quasiment révolutionnaires, tel un panneau solaire orientable sans moteur, une centrale écologique entièrement autonome créée par un Américain de 15 ans! J’étais humble et je voyais leur enthousiasme. C’était… Waouh ! »

Bien que les talents de Vincent soient reconnus par pléthore de prix, celui-ci a dû faire sa troisième année en alternance car il n’a pas d’autres revenus. Ses deux années de prépa ont été financées par la fondation EURIS, Vincent ayant intégré une école prestigieuse à la suite de ses années lycée en ZEP.

A l’heure actuelle, il est étudiant, apprenti, président d’association. Avec celle-ci, il développe cinq projets, dont un drone, des fusées… Vincent va par ailleurs créer sa société, qui portera le nom d’Handibot, afin de diffuser son projet à toutes les personnes qui peuvent en avoir le besoin. Il conclut actuellement le business plan et l’étude de marché : « Cet été, j’ai dépensé beaucoup d’argent pour avancer dans mon projet. Je suis arrivé à créer deux nouvelles machines « top secret » avec une armada de spécialistes. Parallèlement, j’ai développé le Business Plan avec Afile77 (société départementale pour aider à la création d’entreprise, ndlr) et la fondation d’entreprise Ernst & Young, rencontrée grâce à Dreamshake. » Vincent Thiberville ira loin et haut.

Stéphanie Varet

Stéphanie Varet

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