Depuis 8 heures, les bureaux de vote sont ouverts aux quatre coins de l’hexagone. Les Français sont appelés pour le second tour des Présidentielles. Comme chaque dimanche après-midi quand la météo le permet, Aliou et d’autres exilés, sans-papiers ou avec, rejoignent le terrain annexe du stade municipal de Vernouillet dans les Yvelines. Ils font partie de ces personnes vivant sur le territoire qui ne peuvent pas faire entendre leur voix.

Une journée loin des bureau de vote

Alors qu’un résultat positif en faveur de l’extrême droite pourrait avoir des conséquences immédiates sur leur vie, ils semblent plus que jamais heureux de se retrouver. Le foot, le dimanche, c’est leur petite parenthèse. Chanteur talentueux et déterminé à vivre un jour de sa musique, Aliou, Guinéen, qui a obtenu un titre de séjour et un travail dans une usine non loin de là, ironise : « Comme disait Bob Marley, la seule fois où les politiciens disent la vérité, c’est quand ils se traitent entre eux de menteurs ». Avant de poursuivre sobrement : « Sincèrement, je me sens bien en France. C’est quand même plus stable que dans certains pays d’Afrique. C’est plutôt le système France-Afrique qu’il faut revoir. »

Autour de son collègue guinéen Mohamed de rebondir : « On vit ici, on travaille ici, on se sent Français. Car toutes les lois qui vous tombent dessus, ça nous tombe dessus. Florian, tu viens jouer au foot ? ». Obligation de chausser les crampons.

Aliou et les autres exilés sur le stade municipal de Vernouillet dans les Yvelines.

Une vie de galère et de démarches que personne ne voit

Avant de prendre leur envol, Mohamed et Aliou ont connu le centre d’hébergement d’urgence de la Croix Rouge de Triel-sur-Seine (Yvelines). Sur place, près de 150 réfugiés et demandeurs d’asile tentent de se construire un avenir dans cette France qu’ils ont rejoint pour la plupart par obligation. Régulièrement aidés par le Comité des Tilleuls, un collectif de bénévoles membre du réseau AMY (Réseau Accueil Migrants Yvelines), pour leurs démarches administratives, nombreux sont las du sort qui leur est réservé et de la politique globale d’accueil.

Il faut changer le regard des gens. On souffre des on-dit.

Alors que de multiples aides d’urgence sont accordées pour les Ukrainiens fuyant la guerre, beaucoup de titres de séjour ne sont pas renouvelés pour des étrangers non-européens. Le peu d’échanges avec les institutions censées les représenter pèse. À l’instar de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), en charge notamment de l’allocation et de l’hébergement des demandeurs d’asile.

Très actif pendant la crise sanitaire en confectionnant de nombreux masques en tissu dès le printemps 2020, Abdou, guinéen aussi, a depuis cumulé les petits boulots. Puis la mauvaise nouvelle est tombée. « J’ai récemment appris qu’ils avaient refusé de renouveler mon titre de séjour. Je ne comprends pas. J’ai travaillé dans un magasin, une usine, fait la cueillette des pommes. Cela m’a permis de partir du centre et d’être autonome. Je ne comprends pas ce qu’ils cherchent. On fait pourtant tout pour s’intégrer. Il faut changer le regard des gens. On souffre des on-dit. »

Je suis content que Macron soit réélu, on peut dire ouf.

Préférant ne pas polémiquer pour éviter de s’attirer des ennuis, ils sont bel et bien décidés à s’accrocher. Il est presque 20 heures. Tous s’apprêtent à rentrer pour rompre le jeûne du ramadan en cours. Soulagés que Macron ait finalement battu Le Pen, qui a malgré tout convaincu près de 13 millions de Français… « Si j’avais le droit de vote, j’aurais voté Mélenchon au premier tour, mais bon je suis content que Macron soit réélu, on peut dire ouf », admet Abdou. Un pied de nez à tous les abstentionnistes qui ont donc ce luxe de ne pas s’exprimer.

Florian Dacheux

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