Arrivée à la cité la Sablière à Bondy, une grande banderole blanche accrochée à l’entrée du quartier annonce la couleur. Une bannière sur laquelle on peut lire l’inscription en lettres majuscules « Ascenseur, Humidité, Chauffage, Ras-le-bol ! »

En jetant un coup d’œil autour, d’autres banderoles suspendues aux balcons des appartements affichent : « Pas de chauffage, j’ai froid », « pas d’ascenseur ». Le message est clair. Ce type d’actions est récurrente pour les locataires de La Sablière, « nous avions déjà mis des banderoles, il y a deux ans », renseigne Aurélie, une des locataires.

Cette mère de famille de 39 ans habite depuis de nombreuses années dans cette cité. Elle raconte ne pas avoir eu de chauffage cet hiver et montre l’état de son appartement où l’humidité est présente. « Regardez ma salle de bain, des travaux ont été faits et ça n’arrête pas de revenir. C’est encore pire ! », explique-t-elle en montrant les taches noires qui tapissent les murs.

Dans la chambre de son fils asthmatique, l’humidité est également présente. « Je ne comprends pas pourquoi cela revient, est-ce que ce sont l’état des murs qui provoque le retour de l’humidité ? », questionne la jeune femme.

Les trois tours de dix étages de la cité, vétustes, vont être détruites, car La Sablière fait partie, depuis 2018, d’un programme de renouvellement urbain. L’ANRU 2 de l’agence nationale de la rénovation urbaine qui est un plan de transformation et de rénovation des quartiers populaires.

Des appartements peu ou pas du tout chauffés cet hiver, selon les locataires

Le chauffage est une autre source de tension entre les locataires, le bailleur et le prestataire Enerchauf. En effet, ils sont nombreux à indiquer ne pas avoir eu de chauffage ou peu cet hiver. « Le chauffage pose de gros problèmes dans le quartier, des personnes qui sont là depuis le début de l’existence de ces tours ont eu tous les ans une purge. Mais depuis deux ans, il y a des problèmes et cette année, c’est encore pire ! », rapporte Samira, membre d’un collectif de locataires. L’année dernière, la purge des radiateurs aurait été faite « en catastrophe en plein milieu de l’hiver » et cette année, elle n’aurait simplement pas eu lieu.

D’après les habitants, la température des appartements affiche les températures suivantes :  12, 13° ou 15° et lorsque la société Enerchauf réalise des prises de températures, ils affirment que les appartements sont chauffés à 19°. « Ils indiquent que nos thermomètres ne sont pas bons alors que le gardien tombe sur des températures similaires aux nôtres. », indique la mère de famille.

Une réunion entre une dizaine de locataires et le bailleur ICF Habitat a eu lieu dernièrement. La question du chauffage a été abordée. « On nous a indiqué que c’était une question de ressenti avant de reconnaître qu’ ICF n’aurait pas dû baisser la température de la chaufferie étant donné l’ancienneté des bâtiments », expliquent les locataires de La Sablière.

Contacté par le Bondy Blog, Ulric Caman, directeur territorial d’ICF Habitat La Sablière, affirme qu’il n’y a pas de problème généralisé de chauffage à La Sablière. « Sur 376 logements, seuls 29 locataires ont signalé des problématiques de chauffage, mais limités à une pièce ou deux du logement. C’est un problème lié soit à un radiateur qui devait être purgé ou à une sensation de froid du locataire. » Une sensation de froid qu’il explique par le réajustement de la température des chaufferies en octobre 2022, afin d’éviter une augmentation du montant des quittances des locataires.

« Jusqu’à présent, on chauffait autour de 21° et cette année pour éviter les surconsommations à cause de la hausse des coûts de l’énergie, nous avons réduit les températures. Forcément, les gens ont ressenti ce froid par rapport à l’année dernière, car on est redescendu à 19° partout et à partir de 22h on redescendait les températures à 17°. »

Le directeur territorial ne conteste pas les sensations de froid, mais il reconnaît que la baisse était trop forte étant donné l’inertie thermique particulière du bâtiment « qui prend beaucoup de temps à remonter en température. Nous avons donc rectifié cela et supprimé les réduits* de nuit et depuis deux semaines, nous sommes sur une température constante de 19° », déclare le directeur territorial.

Humidité, problèmes d’ascenseur, élagage

Lorsque le plan de relogement a été exposé en 2020 aux locataires, les problèmes étaient différents et aujourd’hui les bâtiments se dégradent toujours plus. Désormais, les besoins sont tout autres et des nouveaux problèmes sont apparus. C’est pourquoi les locataires réclament une enquête sociale le plus rapidement possible.

Tandja Sira déplace avec difficulté sa télévision pour montrer l’état des murs. Dans cet appartement trois pièces, « l’humidité revient systématiquement, j’essaie de nettoyer, mais rien n’y fait », relate la mère de famille de trois enfants. « J’ai fait un signalement au gardien et personne n’est passé. » Elle poursuit la visite de son appartement dans les toilettes où les tuyaux sont recouverts de traces noires. « Je vis depuis 16 ans dans la cité et ça fait longtemps que ça se dégrade », expose cette femme qui paie un loyer de 600 euros.

À la sortie de l’immeuble, une discussion s’engage avec d’autres locataires croisés en chemin. Un locataire évoque « des prises qui ont brûlé » à son domicile. Une solution est envisagée, l’arrêt des paiements des loyers. « Il n’y a que ça qui marche », assène l’un d’entre eux. Près de ce petit groupe, l’un des gardiens tente de défendre le bailleur qui « fait ce qu’il peut ». « Il y a beaucoup de choses qui sont locatifs, on ne peut pas enlever l’humidité », soutient le gardien.

Les pannes d’ascenseur sont un autre sujet dénoncé par les habitants qui habitent dans des tours de dix étages. Des pannes qui peuvent durer plusieurs mois, assurent les locataires. Aussi, l’élagage des arbres n’est pas effectué depuis un an. « Regarder l’état des arbres et de nos voitures, on rencontre des problèmes d’éclairage », témoigne Magaly, locataire depuis 13 ans.

« Il y a un an, une entreprise spécialisée était intervenue pour l’élagage cependant les véhicules stationnés empêchaient toute intervention. Nous travaillons actuellement sur une nouvelle date de programmation », explique, de son côté, Ulric Caman.

L’élu Andrès Henao Santa, adjoint au maire chargé des questions de solidarité, intervient régulièrement entre les locataires et le bailleur. « Les locataires veulent se faire entendre et c’est normal, ils veulent plus d’actions concrètes. Les travaux ont été entrepris par le bailleur pour l’humidité, mais six mois après, c’est revenu et le bailleur cherche à comprendre pourquoi » explique-t-il.

Pour l’instant une quarantaine de personnes a été relogé. Ils restent à ce jour plus de 200 autres familles à la Sablière. « 60 % des locataires de la première barre ont été relogés, mais ce qui pose problème, c’est lorsqu’un puis deux locataires refusent un logement. On propose alors ce relogement à une troisième personne qui a fait une demande de logement social (une personne en droit commun) et non aux locataires de la Sablière de Bondy », détaille l’élu.

La lassitude des locataires

Près de l’entrée de la cité, seul un local associatif demeure. Une association nommée Espoir de Bondy. « C’est vraiment le lieu des locataires où on discute, on prend le thé et on réfléchit aux prochaines actions qui pourront être entreprises », témoigne Samira, même si elle et les autres locataires commencent à être gagnée par la lassitude. « J’en ai marre d’envoyer des courriers, des mails, de faire des réunions. On est vraiment fatiguées, c’est épuisant moralement et physiquement, pour nous tous. »

« Je comprends la frustration des locataires, mais on assure le relogement dans le rythme qui a été indiqué. Il n’y a pas de retards, affirme Ulric Caman. Le relogement prend du temps, on le fait par étape et, en attendant, nous traitons la moindre demande des locataires. »

Aïssata Soumaré

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