Un rat prit dans un piège s’agite sur le linoléum d’un appartement. Cette vidéo, diffusée sur les réseaux sociaux, donne un aperçu du calvaire d’habitants de la cité des Fleurs à Bondy (Seine-Saint-Denis). En l’absence d’un dialogue satisfaisant avec leur bailleur Est Ensemble Habitat, (né de la fusion des OPH de Montreuil, de Bagnolet, de Bobigny et de Bondy), les habitants ont recours aux réseaux sociaux.

Sophie (prénom modifié) montre les pièges qu’elle a dispersés un peu partout dans son logement. « Ils viennent chez moi et ils mangent tout ! », lâche-t-elle. Logée au rez-de-chaussé, Sophie a constaté la présence de rongeurs pour la première fois en 2013. Elle a fait part au bailleur du problème qui a réagi en bouchant le trou une première fois. Une solution qui, vraisemblablement, n’a pas fait ses preuves.

Ils m’ont répondu en disant que ce n’était “que des souris” et pas des rats ! 

Dans son petit appartement où tout résonne, Kany (prénom modifié) entend, elle, « des souris et des rats marcher sur le plafond ». Cette locataire dénonce la minimisation du problème par le bailleur. « Ils m’ont répondu en disant que ce n’était “que des souris” et pas des rats ! La gestion administrative, c’est zéro. Je vis avec une boule au ventre. J’ai peur que ces souris et ces rats finissent par faire un trou au plafond et se déversent chez moi. »

Delphine habite, elle, à l’allée des Primevères depuis 11 ans. Elle se plaint de l’accumulation de détritus et du manque de propreté dans les espaces communs. Une insalubrité qui attire, selon elle, rongeurs et nuisibles. « Ils montent parfois jusqu’au troisième étage. »

Interrogé sur la question de rongeurs dans les parties communes et certains logements, le directeur général d’Est Ensemble Habitat, Jean-Luc Bonabeau, nous a répondu. « Sur la présence de rats et de souris, ce problème touche l’ensemble des communes d’Île-de-France et nous demande de multiples interventions. Une intervention a eu lieu sur le site le 17 avril par l’entreprise Paris Giène », soutient-il.

15 mois pour changer un tableau électrique

Locataire dans l’allée des Anémones, Fatima a, comme d’autres voisins, fait appel aux réseaux sociaux. Dans son logement, un tableau électrique sans boîtier de protection et équipé de porte-fusibles est resté en l’état plus d’un an, malgré ses alertes. Depuis 2015, la norme NF C 15-100 incite les propriétaires et bailleurs à passer des porte-fusibles à des disjoncteurs pour assurer une sécurité optimale aux locataires.

« La gardienne l’a déclaré lors des états des lieux en janvier 2022. Il a été enfin changé le 9 avril dernier, mais nous sommes restés 15 mois sans réponse. L’électricien qui est intervenu nous a dit que nous allions prendre feu tôt ou tard si les réparations avaient encore tardées », assure Fatima.

« J’ai appelé le bailleur à de multiples reprises, rien n’a été fait. On n’est même pas reçus quand on se déplace. » En désespoir de causes, Fatima s’était résolu à poster une vidéo sur les réseaux sociaux. Le lendemain, la situation était enfin prise en main. Contacté par le Bondy blog, le directeur général d’Est Ensemble Habitat « regrette la durée trop longue » du changement de ce tableau électrique.

Ce dernier met aussi en avant la récente fusion des OPH de Montreuil, de Bagnolet, de Bobigny et de Bondy et « son ampleur ». Une opération qui a pu « au début de l’année, générer quelques retards et insatisfactions quant à la qualité des interventions ». Officialisée au 1er janvier 2023, la fusion de ces offices publics de l’habitat répond aux obligations portées par la loi Élan. Est ensemble habitat gère à présent 26 000 logements, ce qui en fait le deuxième acteur public du logement social en Seine-Saint-Denis.

J’étais suivie par un psychiatre, car ma santé mentale en a pris un coup 

Mère célibataire avec deux enfants, Faten est, elle aussi, excédée. « Le jour de l’état des lieux, le gardien m’avait demandé de ne pas prendre de photos. Il disait avoir reçu cet ordre du bailleur. J’étais tellement choquée de l’état de l’appartement : les murs et plafonds étaient dégradés, la salle de bain n’était pas praticable puisque la plomberie y était défectueuse », raconte-t-elle. Malgré cela, elle a pris le logement de peur de se retrouver sans rien.

Pour réaliser l’ensemble des travaux, Faten a contracté un prêt de 10 000 euros tout en continuant à assumer l’augmentation du loyer d’année en année. Son loyer est passé de 750 euros en 2016 à 964 euros par mois, assure-t-elle. « Pendant deux ans, je cumulais deux jobs : je travaillais du lundi au dimanche et je ne voyais jamais mes enfants. J’étais suivie par un psychiatre, car ma santé mentale en a pris un coup », témoigne-t-elle, les larmes aux yeux.

« On paye pourtant des charges qui ne cessent d’augmenter »

Dans l’allée des Orchidées, l’allée des Lilas et l’allée des Pensées, les habitants font état d’un taux d’humidité de « 100 % ». Les enfants des familles occupant ces logements commencent à montrer des signes d’asthme, bien qu’ils ne soient pas encore diagnostiqués.

Cela n’a pas toujours été ainsi à la Cité des Fleurs. Delphine a pu voir la dégradation et le laisser-aller de ses propres yeux. « Les travaux ne sont pas faits en temps et en heure », rapporte-t-elle. « On paye pourtant des charges qui ne cessent d’augmenter. » Au même titre que d’autres habitants, elle note le caractère absurde de certains travaux qui sont engagés.

« Ils sont en train de refaire les espaces verts alors qu’il y a d’autres travaux prioritaires. De l’extérieur, le cadre est agréable, mais c’est quand vous vivez dedans que vous vous rendez compte qu’il y a un souci. » Les locataires rencontrés assurent ne pas avoir été concertés pour ces travaux d’embellissement. Toutefois, le directeur général d’Est Ensemble Habitat soutient, lui, que ces travaux « ont été négociés avec l’amicale et concertés avec les locataires lors d’une réunion. »

Également contacté par le Bondy blog, l’élu à la solidarité de Bondy charge la précédente majorité municipale socialiste. « La ville de Bondy a laissé le parc immobilier vieillir sans en prendre soin. Quand on discute avec les locataires, ils nous disent qu’ils ont des problèmes depuis plusieurs années, voire dix ans parfois », pointe M. Henao Santa. L’élu chargé du logement à Bondy n’a, lui, pas souhaité répondre à nos questions.

Le 4 mai dernier, un collectif d’habitants s’est mobilisé et a pu être reçu par M. Noureddine Mouhous, responsable territorial Bondy pour Est Ensemble Habitat. Ce dernier a recueilli les plaintes des habitants de la cité des Fleurs. Après de longs silences de la part des différents acteurs. Le collectif de locataires continue de se mobiliser, de recueillir des témoignages et d’engager des négociations auprès du bailleur.

Hajar Ouahbi

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