Le soleil inonde la place Le Vau au cœur de la cité des Courtilles, à Asnières,  mais il n’atteint pas les cœurs des habitants du quartier,  plongés dans le deuil après la mort de Samy. Il  allait avoir 15 ans en septembre, mais une blessure reçue à l’arme à blanche, après une rixe opposant des jeunes de sa cité à celle du Luth, à Gennevilliers, a mis fin à sa jeune vie. L’histoire est vieille comme les clochers,  entre habitants d’Asnières et de Gennevilliers, « la division est séculaire », affirme Sébastien Pietrasanta, maire PS d’Asnières.

Une seule rue sépare les Courtilles du Luth, mais elle suffit à en faire deux cités rivales. Pourtant, Kamir, une dame  de Gennevilliers, a fait le déplacement à Asnières pour participer à la marche, organisée ce lundi à la mémoire de Samy : « La plupart du temps, ici c’est calme mais il y a toujours eu cette rivalité entre jeunes des deux villes», raconte-t-elle.

« Nous avons peur pour nos enfants », affirme une dame du quartier qui craint que les jeunes des Courtilles tentent une expédition punitive. « Oui il y a un sentiment  de grande injustice qui plane  dans le quartier, reconnaît un « grand » de 19 ans. Certains jeunes parlent de vengeance. Samy n’avait même pas 15 ans, son agresseur est un adulte, marié. Les petits sont à cran. » Certes, la tension est palpable dans le cortège qui s’apprête à partir, mais la majorité de habitants, même les plus jeunes, appellent à l’apaisement : « Halte à la violence. Halte aux agressions. Nous voulons la paix. Nous ne voulons plus perdre nos enfants », disent plusieurs affichent placardées aux bas des immeubles. Pour tous les camarades de Samy, l’heure est à la tristesse et au recueillement. Beaucoup  portent des tee-shirts ou arborent des banderoles avec inscrits «  Samy, on t’aime petit frère ». Ou « Samy repose en paix ».

Par éviter toute friction entre les cités voisines, un important dispositif policier encadre la marche. J’ai voulu recevoir les impressions de la police sur la situation dans le quartier, mais bien sûr, pour d’autres mots qu’un bonjour poli, il faut que les agents aient une autorisation de leur chef. On m’oriente vers un lieutenant, une femme, qui doit avoir encore des mots écrits dans son agenda au stabylo fluo tellement elle fait lycéenne. Dans tous les corps de métiers, on envoie les jeunes au charbon, comme cette jeune journaliste qui me bouscule dans le cortège, se dépatouillant avec un micro au bout d’une perche qui fait une fois et demi sa taille. Un jeune, qui doit avoir à peine 12 ans, lui sort: « Vous les journalistes, vous ne venez ici que quand c’est chaud. Ici, on n‘est pas dans Scarface, d’habitude c’est calme. »

Dans le cortège, une fillette retient ses larmes, une camarade de classe de Samy : « Il était dans ma classe, un garçon très gentil. Il s’entendait bien avec tout le monde. » « Un peu bagarreur c’est vrai », reconnaît une autre de ses amis. « Mais tout le monde l’est un peu à cette âge-là.  Et un  croche-pied ce n’est pas un coup de couteau », réplique un jeune garçon en train de faire un sort à son Mister freeze, un « grand de la cité », disent de lui les deux amies de la victime. Il loue Samy pour la qualité de ses conversations : « Toujours très intéressantes malgré son jeune âge. »

Le cortège est compact, il y a beaucoup de monde, presque toute la cité est là, ça se bouscule donc un peu. Une dame irritée traite tout le monde de moutons. La mère de Samy, en tête du cortège, la recadre et lance émue à la foule : « Merci d’être venus. Merci, je sais que vous aimiez beaucoup mon fils. »

Toute aussi émue, Ginette, une vieille habitante du quartier déplore « le manque de moyens » dans sa ville : « Ces jeunes doivent avoir ce qu’il faut. Des installations pour faire du sport, étudier et surtout ils doivent pouvoir travailler. Ici on manque de tout. Ils doivent pouvoir faire d’autres choses que se bagarrer. »

Idir Hocini

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