Café du Moulin de la gare de Bondy, lundi en fin d’après-midi. Mohamed Hamidi est harcelé au téléphone par des journalistes de France Inter, RTL, France 2… Ils veulent savoir comment la relève, de retour de Suisse, va s’y prendre pour maintenir en vie le Bondy Blog et le développer. Professeur d’éco-gestion au lycée Louise-Michel de Bobigny, Mohamed Hamidi est, avec Radouane Berrokia, l’un des animateurs de cette relève. Nous lui avons demandé de raconter la semaine de formation passée à Lausanne et de pointer les défis qui les attendent, lui et sa troupe.

Comment s’est passé le premier jour à Lausanne ?

Nous sommes arrivés le lundi 13 février à 11h37 par TGV à la gare de Lausanne, où nous attendaient Serge Michel et le photographe Paolo Woods. Nous nous sommes rendus immédiatement à la rédaction. C’était l’heure de manger. Nous avons pris notre premier repas, tous ensemble, dans le restaurant situé au dernier étage de l’immeuble qui abrite L’Hebdo. Il y avait avec nous une équipe de France 2 et un journaliste de Channel 4, François Bringer. Ensuite, nous avons visité la rédaction et retrouvé les journalistes qui étaient venus à Bondy. Puis nous avons commencé la formation proprement dite par un premier cours assez rapide de déontologie sur les règles d’or du journalisme, donné par Michel Beuret et Serge Michel. Nous avons aussi abordé les différents genres : entretien, commentaire, analyse, etc. Le soir, on s’est baladé et on a dîné au Bleu Lézard. On a refait un tour en ville après le repas. Certains sont rentrés à 1 heure du matin, d’autres vers 2-3 heures. On a passé notre première nuit à l’hôtel City, pas loin de L’Hebdo.

Et le deuxième jour ?

Ce fut la journée la plus chargée. Le matin, on a poursuivi, pendant deux heures, avec Michel Beuret, le cours entamé la veille sur la déontologie en entrant dans les détails : charte du journaliste, diffamation, calomnie, etc. On a fait ensuite une simulation de conférence de rédaction, où Serge et moi animions les débats pour faire surgir des thèmes que nous traiterions de retour à Paris : la précarité ; la discrimination à l’embauche ; aller à Paris voir les problèmes des Parisiens ; aller chez les gens de Bondy pour voir, en fonction des origines, quelle cuisine ils font. On s’est aperçu qu’il ne fallait pas faire que dans le grave, mais aussi dans le léger. On a enchaîné au CRFJ (Centre romand de formation des journalistes), avec un cours de photographie de deux heures, donné par Paolo Woods. L’après-midi, la première phase, avec Bruno Giussani sur les grandes règles du blog, était géniale. La seconde, un peu moins. Nicolas Willemin, du site Internet de la Télévision suisse romande, nous a montré plein de choses. Mais c’était trop. On était un peu fatigués. Il aurait mieux valu qu’on fasse une petite pratique.

Qu’avez-vous fait le soir ?

On a changé d’hôtel. On est allés « sous gare », comme ils disent à Lausanne, au GuestHouse, une sorte d’auberge de jeunesse de luxe, avec salle de bain sur le palier. Nous avions trois chambres. Radouane et moi dans l’une, Kamel et Hakim dans l’autre, Nacima, Nadia, Sada et Elodie, les quatre filles, ensemble dans la troisième. Mais mardi soir, on a surtout mangé la fondue chez Sonia Arnal (journaliste à L’Hebdo). C’était super. Il y avait les enfants de Sonia, son mari, ainsi qu’Alain Rebetez, Titus Plattner, Blaise Hofmann (tous trois de « L’Hebdo également) et le journaliste de Channel 4, un mec super, qui veut nous donner un coup de main pour la suite.

D’habitude, on met du vin blanc dans la fondue, ce n’est pas halal, ça ?

Ah, mais tout avait été négocié en amont (rires). Cette fois, il n’y avait pas de vin blanc dans la fondue. On a fini à deux heures du mat. Hakim a même pris un bain, en plein froid, dans le jacuzzi situé à l’extérieur de l’appartement de Sonia.

Levés à quelle heure, le mercredi ?

À 7 heures. On a assisté à la grande conférence de rédaction hebdomadaire de L’Hebdo, en vue du numéro de la semaine suivante. J’ai pris la parole pour présenter le groupe. J’ai pris plein de notes sur ce qui s’est dit ensuite. Cela m’intéressait de voir comment les sujets étaient amenés, comment on avançait dans la séance, comment, aussi, les journalistes encaissent un refus de la rédaction en chef. Ce que j’ai trouvé bien également, c’est la critique du numéro qui allait paraître le lendemain jeudi. Personnellement, j’ai trouvé la « une » un peu racoleuse (elle représentait des musulmans faisant le prière devant le palais fédéral de Berne – siège du parlement et du gouvernement – avec, en gros plan, les fesses d’un fidèle, et l’inscription « Musulmans de Suisse : vont-ils faire la loi ? »). Cela n’était pas représentatif de ce qu’il y avait à l’intérieur. A midi, on a mangé une pizza au journal.

Qu’avez-vous fait l’après-midi ?

On a eu un cours sur la radio, puis un autre sur la gestion d’un blog, par des responsables du monde.fr. Enfin, on a eu un échange pendant 1h30 avec des élèves du CRFJ. Il y avait là le rédacteur en chef du « Matin Dimanche », Michel Danthe, et la directrice du CRFJ, Eliane Ballif. Il a fallu se battre. Michel Danthe, provocateur, nous reprochait de faire du journalisme fusionnel. Serge Michel est intervenu : « Et toi, avec tes pages people, tu fais aussi des journalisme fusionnel… ».

Et le soir ?

On a fait un karaoké, jusqu’à 1 heure du mat. Michel Beuret trouvait ça un peu ringard au début, mais il a été conquis. Pratiquement tout le monde a chanté, on a fait des duos avec des clients du lieu. C’était une super ambiance. Certains sont montés sur les tables.

Vient le jeudi…

Journée terrain. Hakim, Nacima, Radouane et Nadia avaient pour mission de faire des reportages dans le quartier populaire de la Bourdonnette. Kamel, Sada, Elodie et moi étions dans le centre de la ville. C’était la pêche aux sujets. On a rencontré par hasard le maire de Lausanne (Daniel Brélaz), qui nous accordé une interview. Kamel et Sada sont allés au Palace comme pour demander une suite. Sada et moi, on a fait une comparaison entre la clientèle du Starbucks Coffee et celle du Café Romand, un lieu traditionnel (des posts seront mis en ligne, qui rendront compte des travaux effectués).

Le soir, vous êtes allés en boîte, je crois.

Oui, au D-Club, c’était une soirée funk. Mais avant, on avait mangé une paella dans un restaurant espagnol. La moitié du groupe a fait nuit blanche, l’autre a dormi un peu.

Ça a dû être dur au réveil, non ?

Oui, c’était plutôt cataclysmique. Au petit déj’, une personne d’une télé locale de Genève, TV Onex je crois, est venue nous voir. On est allés ensuite à la rédaction pour travailler au montage photos de nos reportages faits la veille. On a pris un super lunch le midi. L’après-midi, Alain Jeannet et Serge Michel ont dit qu’on avait été hyper pros dans la collecte d’informations. En trois heures sur le terrain, on avait ramené neuf sujets. Ils nous ont conseillé d’écrire des textes courts. On a parlé méthode.

Puis ce fut le départ.

On a dit au revoir à tout le monde et on s’est rendu au TGV. Des larmes ont été versées.

Et maintenant ?

Il est prévu que nous nous réunissions mardi soir à Bondy. Puis une nouvelle fois, jeudi ou vendredi, pour faire le point sur les sujets à venir. C’est moi qui vais corriger les textes. On a pris le parti de ne pas se foutre des fautes d’orthographe. Le but est de se réunir une fois par semaine.

Où ?

C’est le problème. Il nous faut trouver une salle. J’aimerais toutefois ne pas être tributaire de la mairie de Bondy. Peut-être qu’au début on se réunira dans un lycée, mais ça ferme tôt un lycée. La mise en place va être difficile. Je suis seul avec Radouane pour gérer tout. On va essayer d’avoir du matos pour les gars (Kamel et Hakim). Pour les filles, étudiantes, c’est plus facile d’avoir accès au matériel. Le premier objectif, c’est une connexion Internet et une clé USB. L’Hebdo va nous filer un petit budget pour démarrer. Au début, on devrait se réunir dans des cafés. Mais ce n’est vraiment pas l’idéal. Il nous manque des appareils photos. Paolo Woods va voir avec Le Monde 2 si c’est possible d’en avoir quelques-uns. Moi je vais voir avec le lycée Louise Michel pour des ordinateurs. Le but, c’est qu’à terme, chacun ait son ordinateur chez soi, avec, si possible, une connexion Internet.

Propos recueillis par Antoine Menusier

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