« J’ai envie de m’acheter une jupe pour le jour de l’aéroport », confie Amel à sa tante. Arpentant les allées du marché de Bondy nord, cette étudiante cherche un vêtement à porter le jour de son départ en vacances pour l’Algérie, où chaque été elle retrouve le reste de la famille. La jeune fille sait qu’elle est attendue par les plus âgés comme par les plus jeunes, dès sa descente de l’avion. « C’est une habitude qu’on a prise », raconte-t-elle. « Depuis que je suis toute petite, avant chaque retour au bled, ma mère achetait des nouveaux habits, à moi et à mes frères et sœurs ». Mais pas n’importe où : c’est au marché que sa maman dégote les meilleures affaires. De fait, dans les stands, le même slogan revient : « 3 euros, les 2 pour 5 » pour des articles d’une qualité assez variable. Le tout accompagné d’un « Yallah ! », qui veut dire « Allez ! » en arabe.

Ce lieu fourmillant permet aux clients et aux commerçants d’y trouver leur compte. Les femmes notamment n’hésitent pas à passer un bon quart d’heure devant un même stand à négocier. « Tu le sais, je viens souvent chez toi, ce sont des cadeaux pour la famille et tu veux pas me baisser le prix ? », lance Mahdia, en arabe, à un vendeur de tuniques et de robes traditionnelles orientales. Cette Marocaine vient d’opter pour sept « ensembles » de trois pièces, comme les nomme le commerçant, composés d’un pantalon large de tissu léger, d’une tunique brodée en doré et d’un châle en voile, à 3 euros pièces. Mahdia sait qu’au Maroc, elle peut en trouver de meilleure qualité et moins cher, mais « cela marque notre attachement vis-à-vis de nos proches », dit-elle en parlant de ceux vivants au pays. Et sa fille d’ajouter : « ça fait plaisir, et ça prouve qu’on pense à eux ».

A travers les allées où l’on peine à circuler, la chaleur humaine règne dans ce lieu où les mères se retrouvent entre deux achats pour discuter, où les vendeurs s’échauffent avec force les slogans, et rendent la monnaie d’un geste majestueux. Ici, les prix sont arrondis par défaut, on parle plusieurs langues et tout le monde se tutoie. « Le pic de fréquentation se situe vers 11 heures les jours où il fait beau », remarque un maroquinier qui déballe sa marchandise trois matins par semaine devant l’entrée. Ozlem vient de lui acheter une valise grand format qu’elle transportera jusqu’en Turquie, « Je la remplirai de cadeaux pour la famille », précise-t-elle.

D’autres chalands comme Anne-Marie viennent faire le plein de shampoings, dentifrices, savons, rasoirs et passoires pour égoutter les pâtes, qu’ils payent à prix cassés. Cette enseignante part à Cuba chez des amis et veut se « rendre utile », alors que l’embargo américain contre le régime castriste fait flamber les prix. « Quand on sait qu’à Cuba un savon coûte 1,20 euros, alors qu’un médecin gagne l’équivalent de 20 euros par mois, ce sont les premières choses qu’on pense à leur apporter ! », explique-t-elle. Et puis, Anne-Marie « aime l’ambiance » de ce marché, où elle retrouve d’anciennes voisines qui vivent toujours dans les quartiers nord de la ville.

 

Par Nadia Boudaoud

Nadia Boudaoud

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