« La nuit c’est pour baiser pas pour travailler », voilà le slogan qui m’a marqué pendant la manifestation du jeudi 24 mars. Entre consciente et immature cette phrase représente bien le mouvement des lycéens auquel j’ai participé ces deux dernières semaines. Les manifestations étaient assez mouvementées, parmi les casseurs et les violences policières, il était dur de manifester pacifiquement.
Avec Temib, que j’ai pu croiser avec un groupe de 100 personnes venues du Blanc-Mesnil (93), nous avons assisté et subi les charges des CRS contre des manifestants d’une moyenne d’âge de 16 ans (ce que je trouve personnellement assez lâche). Alors, certes il y avait des casseurs, mais la majorité des jeunes étaient venus exprimer leurs mécontentements sans violence, malheureusement la police avait du mal à faire le tri ou alors le faisait au faciès.
Etant lycéen, je pense être bien placé pour décrire l’ambiance globale et l’ampleur de ce soulèvement : l’ambiance globale est assez tendue, le nombre de lycées mobilisés n’est pas encore énorme, mais il progresse mobilisation après mobilisation. Je ne vais pas vous mentir, tous ne savent pas exactement ce que la loi travail changera pour leur avenir, l’effet de groupe y est pour un peu, mais beaucoup considèrent que c’est une « El connerie ».
Les raisons d’une telle mobilisation de la jeunesse ne sont pas uniquement dues à la loi travail, c’est bien plus. J’ai entendu dire par un trentenaire qui téléphonait dans la rue « Pff… Ils sont là juste pour griller une journée de cours, c’est des débiles mentaux ». Eh bien non, par exemple des élèves en première expliquaient à mon père présent à la manif qu’ils en avaient tout simplement marre du système économique. C’est un « ras-le-bol » collectif qui ressort de ce mouvement.
Mon père est un soixante-huitard qui a gardé ses idées révolutionnaires et n’a pas retourné sa veste, « pas comme beaucoup d’intellectuels ou de politiques » me dit-il souvent. Dès qu’il y a une forme de soulèvement de la jeunesse ou du peuple, il est très nostalgique et excité. Il se sent tellement impliqué qu’il m’a lui-même réveillé à 6 heures du matin afin que j’aille bloquer mon lycée. C’est un peu particulier pour un père. Mais moi, ça ne me choque pas, depuis tout petit, il me bassine avec Lénine, Marx et le Capital, je pense que l’on n’a jamais vu un homme qui parle autant de capital, mais qui en a si peu. Il a été 30 ans enseignant de philosophie pour l’éducation nationale, et pourtant il a une retraite équivalente au Smic. C’est aussi pour cela qu’il est un peu révolté.
Tout ça pour dire que même si les jeunes ne savent pas vraiment ce qu’est la loi du travail, ils connaissent les galères qu’ils affrontent au quotidien. Ils savent ce que cela fait de voir leurs parents se lever à 6 heures du matin et revenir à 21 heures, ils savent ce que c’est de vivre avec un seul salaire pour une famille de 4 enfants… Toutes ces difficultés ne sont peut-être pas citées dans la loi, mais elles existent et si cette jeunesse est dans la rue c’est aussi pour ne pas revivre les mêmes douleurs que leurs parents. Le rappeur SCH le dit bien : « Se lever pour 1200 c’est insultant ».
Jean Ben Aych
Le mouvement lycéen : « entre conscient et immature »
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