Il est 17 heures, le 3ème Forum Espoir Banlieues ferme ses portes. Le village des associations, attractions de l’après-midi, n’est resté ouvert que trois heures. Trois petites heures pour présenter la vitrine des quartiers, ceux qui « agissent au quotidien », les « véritables acteurs des quartiers » comme les présente Fadéla Amara. Pour avoir déambulé dans ce « village d’irréductibles », peut-être ceux qui y croient encore, la moyenne d’âge n’avait rien de représentatif. Costards et tailleurs portés par des quadras étaient majoritaires.

Les quelques « représentants des quartiers populaires et de la diversité » comme les présentait Christian Estrosi, dans son discours quelques heures plus tôt, faisaient pâle figure. Heureusement avaient été invités « quelques rappeurs » afin de redorer le blason des ambitions du plan Espoir Banlieues. La mode serait-elle au costard et au tailleur ? Pas plus qu’ailleurs. Mais l’heure devait être au sérieux, le chaland n’est plus le même… 

Fort à propos, le stand des chibanis, fidèles au poste, est là pour inscrire l’idée « d’intergénérationnel ». Chatouillé par l’idée depuis ce matin de rencontrer du local, de l’autochtone des quartiers niçois, j’ai dû m’avouer vaincu devant des stands aussi « funcky » que celui de l’Anru, de l’Afev, de la Fédération des centres sociaux, du réseau Ecole deuxième chance et j’en passe…

Cependant au détour d’une collation je croise Pascal*, médiateur dans le quartier Pasteur à l’est de Nice. Ce quartier, l’un des plus peuplé de la capitale provençale, compte 10 000 habitants environ et n’est qu’à 5 minutes du centre. Pascal a 20 ans, des bras de boxeur et le crâne rasé. Après un CAP plomberie chauffagiste, qui n’a débouché sur aucun travail, il est embauché en contrat aidé en janvier 2009, comme médiateur dans le quartier. Une cité qu’il connaît bien, puisqu’il y est né. Ses journées commencent à 8h30, par un tour des commerçants, histoire de prendre la température : « Des agressions, des clients qui ne payent pas, des vols… », les coupables sont rapidement identifiés, « les commerçants connaissent tous leurs noms, sauf quand ils viennent cagoulés ». Alors Pascal et les trois autres médiateurs discutent avec les jeunes, les vieux, histoire d’arranger les choses.

« Maintenant les gens préfèrent faire appel à nous plutôt qu’à la police, ils savent où l’on est » et le quartier a l’air de s’en porter mieux selon ses dires. « Notre seul arme est la parole, on a rien d’autre », alors ces grands frères, disent que fumer du shit c’est pas bien, c’est pas bon pour la santé. Et si jamais on leur répond qu’eux aussi ils ont fumé à l’époque, ils parlent de cap, d’arrêt salutaire… Les cités se ressemblent. La vie, les divertissements aussi, il manque toujours des « structures sportives ou autres », sauf qu’à Nice l’été c’est pas comme à Bobigny. « Les gamins ici ils vont à la plage ou au bled. La période la plus dure ici c’est l’hiver. »

Adrien Chauvin

*Prénom modifié

Adrien Chauvin

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