Depuis l’apparition de ces sens interdits il y a quelques mois, ça ne tourne plus rond dans le quartier Blanqui. Beaucoup d’habitants contestent ces panneaux. « On n’y voit vraiment aucun intérêt, c’est un quartier où il y a même une école publique à l’intérieur, pourquoi mettre un sens interdit ? » questionne un jeune qui vit ici depuis 10 ans.

Ils sont nombreux à être du même avis. C’est le cas de Nasser-Eddine, natif du quartier et aujourd’hui porte-parole officiel de ce « non-sens ». Avec lui, c’est tout un quartier qui se mobilise pour exprimer son mécontentement. A la suite de réclamations, de manifestations, les enseignants, les parents d’élèves de l’École élémentaire Jean Rostand et les habitants du quartier se sont mobilisés.  Tous ont signé une pétition afin de faire entendre raison à Madame la maire, qui semble être à l’origine de l’arrêté municipal. « C’est du délire il ne manquerait plus qu’a installer un péage pendant qu’on y est, c’est devenu Gaza ici », s’insurge Nasser-Eddine.

Depuis le début, il se met en quatre pour faire disparaître ces sens interdits qui font vivre une galère routière aux amis des habitants du quartier qui leur rendent visite. Tous les jeunes du quartier en ont après la maire, qui fait tout, selon eux, pour « qu’on la déteste » déclare un groupe de jeunes en bas du quartier. Pour Leila, ces sens interdits ne seront jamais enlevés : « Depuis qu’elle est passée maire, son pire ennemi c’est notre quartier. Ça ne m’étonne pas, cette décision d’installer ces sens interdits ».

La pétition compte déjà plus de 300 signatures. Envoyée à la Mairie de Bondy, elle a été contestée sur la forme par la municipalité, en raison du manque d’information des personnes l’ayant signée – notamment sur les adresses non-communiquées. Nasser-Eddine ne baisse pas les bras et  assure qu’il fera de son mieux pour réitérer l’opération de pétition, quitte à « aller jusqu’au bout ! »

Cette galère dénoncée par les habitants de Blanqui est vécue par bien d’autres personnes qui n’habitent pas du tout le quartier. Mourad se rend souvent à Blanqui pour voir un de ses potes qui y habite : « Il me reste que 2 points sur mon permis, je suis chauffeur-livreur, si je me fais attraper c’est la catastrophe ! Mon permis c’est mon gagne-pain ! » Mourad ajoute : « Faut toujours trouver des places super loin pour être tranquille quand je me rends chez mon pote, il m’a fait une lettre certifiant résider dans ce quartier, pour prouver que je viens ici pour lui et non pour autre chose ».

Pourquoi ces sens interdits ont ils été installés ? Beaucoup évoque une stigmatisation,  » Ils nous voient regroupés entre amis en bas du quartier à rigoler. Ils se sont dits qu’ici, il doit y avoir du trafic. Mais en vérité, tout ce qu’ils font, c’est embêter le monde avec un manque de professionnalisme », m’explique Sofiane, un jeune qui n’habite pas le quartier mais qui y « traîne » souvent, ayant été scolarisé pas loin.

A Blanqui, les jeunes pensent qu’on veut les empêcher de circuler librement pour les observer. J’ai voulu en savoir davantage en contactant le commissariat ainsi que la mairie de Bondy. La police n’a pas souhaité s’exprimer, quant à la mairie, malgré de nombreux appels et de nombreuses relances, ils ne m’ont jamais répondu.

En 2009, une opération coup de poing avait eu lieu dans le quartier Blanqui. Elle avait pour but de tenter de neutraliser un réseau de trafic de stupéfiants qui « pourrit la vie » des riverains. Les forces de l’ordre affirmaient avoir fait une descente musclée. Le maire socialiste espérait à l’époque que ce serait le point final « du squat et de l’organisation du trafic » dans le secteur. Un lien existe-t-il entre l’installation de ces panneaux de sens interdit et cette opération? Est-ce un moyen de contrôler le passage et de lutter contre le trafic de stupéfiants?

Lundi 2 avril ,22 heures, il pleut des cordes sur le quartier Blanqui. La police procède à des contrôles de véhicules empruntant le « sens interdit », positionnée à l’une des entrées du quartier. Ils procèderaient « selon la gueule de la voiture et du conducteur, c’est comme ça plusieurs fois dans la semaine et à des heures différentes » me confie un habitant du quartier.  Il est à bout : « Constamment on me contrôle moi ! Ma sœur jamais ! Ils savent que j’habite ici, ils le  font pour me chauffer. Un ami s’est fait contrôlé, il n’avait pas la pièce d’identité qui prouve qu’il habite et réside dans quartier. Ils lui ont donc mis une amende et retiré un point ! »

Alors, quelle serait la bonne solution ? La réponse est quasi-unanime : supprimer ces sens interdits. En attendant, Nasser Eddine ne baisse pas les bras. Eva Joly serait prête à venir dans le quartier, selon lui. Elle a répondu favorablement à une invitation le 24 avril prochain, pour déguster un barbecue et rencontrer les jeunes de Blanqui.

Mohamed Mezerai

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