Non, il n’est pas mort dans un attentat à la bombe comme nous croyions l’avoir compris de la bouche de la vendeuse d’une boutique de vêtements. Juste « d’une crise cardiaque après une longue maladie », confirment plusieurs commerçants de la rue. C’est d’ailleurs l’une des rares réponses que nous recueillons de leur part. « Il est important pour nous », est l’autre information qu’ils consentent à divulguer sans trop de difficultés. « Le patron n’est pas là » ou « Je ne comprends pas » sont les répliques derrière lesquelles se cachent la plupart des personnes interrogées. La communauté tamoule semble donc peu disposée à s’épancher sur ses liens avec le général. L’affiche exhibée en vitrine de la plupart des commerces du quartier ainsi que les drapeaux noirs tranchent néanmoins avec l’apparent détachement dont font preuve leurs occupants.

Les sourires et l’air candide n’ayant pas l’air de fonctionner, peut-être une dose de culot apportera-t-elle plus de résultats ? Je m’aventure dans une téléboutique. « En France et dans d’autres pays, on considère les Tigres comme des terroristes. Qu’en pensez-vous ? » À une question si directe, le propriétaire ne pouvait que me demander d’un air méfiant qui je suis et pour quelles raisons je m’intéresse à lui. Je préfère m’éclipser discrètement, après lui avoir assuré que je suis simplement curieuse de voir fleurir ces affiches depuis quelques jours.

Une boucherie halal tenue par des Marocains. Peut-être que l’arabe sera une langue plus facile à délier ? En France depuis 1980, le boucher marocain confirme la grande discrétion de la communauté avec laquelle il travaille. Il a apposé le portrait de l’officier tamoul en signe de solidarité avec ses voisins et son personnel. « Les Tamouls sont des musulmans. En fait, ils sont un peu comme les Polisario marocains [ndlr : mouvement indépendantiste qui revendique le Sahara Occidental, la partie sud du Maroc]. Ils occupent un quart de la superficie du Sri Lanka et veulent leur indépendance. Sauf que chez nous les Sahraouis se considèrent comme des Marocains. Pour eux, la différence entre Tamoul et Cinghalais est plus marquée. »

Même mutisme à la pâtisserie, à la bijouterie et dans une seconde boutique de vêtements. Des tissus colorés, des mets plus qu’alléchants, des bijoux magnifiques… j’en oublierais presque la raison de ma présence dans ce quartier si vivant. Heureusement, deux hommes devant leur étal de poissons, vide en ce début de soirée, attirent mon attention. Excellente prise ! Les deux commerçants semblent plus disposés à l’échange. Ils seront présents au rassemblement à Saint-Denis ce samedi pour commémorer le défunt, affirment-ils.

Et là-bas on parle plus facilement des Tigres ? « Quand j’y vivais encore, ils étaient très peu présents. Ça a changé depuis quelques années. » En effet, depuis 1983, année d’attentats et de combats entre l’armée cinghalaise et les rebelles tamouls, la lutte entre les deux camps s’est radicalisée.

Certains Tamouls ont-ils émigré en France à cause des combats armés ? Un question parmi tant d’autres qui resteront en suspens tant que nous n’aurons pas réussi à gagner la confiance de certains d’entre eux, ou qu’ils n’auront eux-mêmes décidé de se confier.

Bouchra Zeroual

Bouchra Zeroual

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