À Pierrefite (93) existe une petite rédaction, ouverte à tous, qui permet à quelques mères de famille de prendre une parole qu’on ne leur donne pas souvent.

La scène se déroule à Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis, dans le petit centre social et culturel de la ville. Deux fois par semaine, une petite salle de ce centre abrite les réunions de rédaction des « Pipelettes », un journal qui paraît tous les deux mois, rédigé par une dizaine de mères au foyer de la ville pour la plupart. Ce matin-là, autour de la table, elles sont quasiment toutes présentes. Il y a Sylvie, Fatima, Réjane ou encore Ania (liste non exhaustive). Elles sont là pour discuter des articles qui seront présents dans leur prochain numéro qui a pour thème « traditions, fêtes et coutumes ». Le précédent avait pour thème « l’éducation pour tous », un sujet qui tenait à cœur à toutes. Elles fonctionnent toujours de la même manière, d’abord elles se concertent pour se fixer un thème, ensuite elles confrontent leurs idées et se répartissent les articles.

Certaines sont là depuis le commencement. « Au début, les enfants étaient là, on venait avec des poussettes. Les sujets dont on parlait partaient de nos discussions » glisse une maman. D’autres, comme Nassia, ne sont là que depuis quelques semaines. Tout le monde est le bienvenu pour rejoindre cette rédaction, le recrutement se fait par le bouche à oreille et chacun trouve sa place, a quelque chose à proposer. Réjane se rappelle de ses débuts « au départ, j’osais pas car je ne m’y connais pas trop en écriture, je fais surtout de la photo, avant j’étais photographe » Et elle l’est toujours, puisqu’elle est chargée de prendre les photos pour le journal.

Farida, elle, a rejoint « Les Pipelettes » en arrivant à Pierrefitte, elle s’est renseignée sur ce qui se faisait dans sa nouvelle ville et s’est laissée tenter par l’expérience. Ania, elle, est venue pour l’écriture « j’aime beaucoup écrire, ça fait 8-9 mois que je participe et j’aime beaucoup ça. Et puis en plus on apprend plein de choses et on se fait des copines »

Durant la réunion de rédaction les idées fusent, Nora veut évoquer les fêtes juives, Ania les kabyles et elle met en garde « je viens de proposer ce sujet, vous me le piquez pas » tandis qu’elle note scrupuleusement les sujets proposés par chacune. Alors que Nora développe une idée autour de la notion de solidarité, Ania l’interrompt « bon Nora, tu fais l’article, je te sens bien motivée là » lui dit-elle non sans humour. Puis Farida prend la parole pour mettre en garde, « c’est bien, on se lance dans des articles mais faut respecter les pages ». En plus des articles, le journal compte aussi des pages de recettes, de conseils de lecture et un agenda, c’est à tout ça qu’il faut penser à chaque fois.

Mais le plus difficile pour cette rédaction amateure réside dans la mise en page, l’informatique, ces reporters mères au foyer n’y sont pas encore rompues. Et c’est quelque chose qui les ennuie et qu’elles souhaiteraient améliorer, car tiré à 30 exemplaires, leur journal est aujourd’hui passé à 100 tirages. « On est très demandées » souligne Farida, dans un sourire plein de fierté. C’est pour cette raison qu’elle débute un cycle de formation à un nouveau logiciel à L’Arobase, l’espace public multimédia de Pierrefitte. La fracture numérique ne passera pas par elles.

Il ne s’agit pas seulement d’écrire un journal, se réunir après avoir déposé les enfants à l’école permet à ces femmes d’échanger, de se réunir, de se voir. Cela permet aussi à certaines de trouver une occupation entre deux emplois, de continuer d’être dans l’action.

Mais les « Les Pipelettes » ne sont pas seules : tout cela est permis par Patricia Violeau, coordinatrice socioculturelle qui a lancé l’idée de ce journal et qui les assiste dans la rédaction et qui les encourage aussi depuis le premier numéro de juillet-août 2014. C’est elle qui rédige l’édito.

Toutes sont d’accord pour dire que depuis ce premier numéro du chemin a été parcouru, et elles ne souhaitent pas s’arrêter là car si prendre la plume peut s’avérer difficile, Habiba rappelle que « c’est une contrainte qu’on s’est mise mais ça apporte beaucoup d’écrire » . Et de raconter son monde aussi.

Latifa Oulkhouir

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