C’est un immeuble en bois rouge situé à deux pas de la Seine. Un cadre idyllique sur le papier, mais qui cache en réalité une situation préoccupante pour les habitants de la résidence : fuites d’eau à répétitions et fissures liées à ces dernières, portails cassés, lampes extérieures hors-service, sécurisation inexistante, hausse des charges… La faute, selon les locataires, à la négligence de leur bailleur : Nanterre Coop’ Habitat.

Sur les 20 000 logements sociaux que comptait la ville de Nanterre en 2019 (soit plus de 50% du nombre de résidences principales), près de la moitié est gérée par Nanterre Coop’ Habitat. Le bailleur est ainsi propriétaire de 50 logements de la résidence Lucien Ducastel, répartis sur deux immeubles. Or, construite il y a 10 ans, cette copropriété arrive à la fin de sa garantie décennale. Une période durant laquelle le constructeur a l’obligation de réparer d’éventuels dommages apparus sur son bâtiment.

On veut montrer que les mères de familles des quartiers populaires s’investissent et qu’elles peuvent faire bouger les choses

« Les désordres relevant de la garantie décennale sont systématiquement déclarés auprès de la compagnie d’assurance pour une prise en charge des éventuels dysfonctionnements, assure Nanterre Coop’ Habitat. En revanche, les désordres non pris en compte par notre assurance sont traités à nos propres frais. »

« Ils fuient leurs responsabilités en attendant que l’assurance périme », accuse Clara, cofondatrice du collectif du 25 mai. Créé à la même date l’année précédente par Clara et six autres mères de famille, le collectif s’est donné pour mission de dénoncer tous les problèmes liés au logement dans la ville de Nanterre. « On veut montrer que les mères de familles des quartiers populaires s’investissent et qu’elles peuvent faire bouger les choses », résume Clara.

Fuites à répétition, fissures et hausse des charges

En ce samedi ensoleillé, les locataires se sont ainsi réunis dans le jardin de la résidence Lucien Ducastel à l’initiative du collectif. Pendant que ce petit monde discute, Clara fait tourner une pétition visant à signaler à la mairie et au bailleur les nombreux problèmes rencontrés par les habitants. « L’écoquartier Hoche est bâti sur les anciens bidonvilles de Nanterre, énonce Clara. Au vu de l’histoire du quartier, c’est une honte de laisser ces logements dans un tel état. »

Sur la façade d’un des trois bâtiments, de nombreuses fissures sont visibles. La faute à des fuites d’eau incessantes. Des infiltrations parfois liées à la météo : « Quand il pleut, il pleut aussi dans la chambre de ma fille », déplore Isabelle, chez qui l’eau de pluie entre par le circuit d’aération.

Mais les locataires dénoncent surtout des fuites liées au dysfonctionnement des installations. Résultat, les montants des factures d’eau s’envolent. Pour Isabelle, plus de 300 euros mensuels. « Moi, j’ai payé plus de 400 euros », enchérit son voisin du 7ème étage. Il ajoute que les charges liées au chauffage, bien que dysfonctionnel, ont, elles aussi, augmenté : « En un an, on est passé de 80 à 100 euros. »

La sécurité des habitants en jeu

À côté d’eux, se tiennent George et Candice. Le couple vit dans la résidence depuis sa création en 2013. Mais ces dernières semaines, l’humidité s’est aussi infiltrée dans leur appartement situé au 6ème étage : « Le parquet du salon gondole, les plinthes de la cuisine se décollent, sans compter les fissures », explique George. « On a même notre balcon qui commence à bouger ! s’alarme -t-il. S’il venait à se décrocher, ce serait dangereux aussi bien pour nous que pour les voisins qui passeraient dessous. »

Interrogé sur les raisons de ces problèmes dénoncés par les habitants, Nanterre Coop Habitat reconnait « un dysfonctionnement sur la fourniture d’énergie primaire, provenant de la chaufferie bois de l’écoquartier exploitée par Enerbiosa, dans la nuit du 20 au 21 avril 2023, entraînant une dilatation des échangeurs et des fuites d’eau importantes dans les sous-stations ». Le bailleur promet que le volume d’eau surconsommé à cause de la fuite a été identifié et que « le service Charge a été informé afin de neutraliser les volumes d’eau des charges de [leurs] locataires ».

Les fuites d’eau ont creusé des fissures dans la façade du bâtiment / crédits : Alexandre Bourasseau.

« N’importe qui peut entrer dans la résidence »

Autre problème, les luminaires du jardin de la résidence n’ont pas été réparés depuis plusieurs mois. Une absence d’éclairage qui présente aussi un risque physique pour les habitants. « Certaines installations ont été retirées, mais des tuyaux en fer avec des fils électriques apparents dépassent encore du sol, fait remarquer Isabelle. Des enfants et même des adultes non vigilants pourraient se blesser en trébuchant dessus. »

Une sécurité discutable illustrée également par l’état des portails avant et arrière, tous deux cassés. « N’importe qui peut entrer dans la résidence », signale un des locataires. Même traitement pour le parking privé dont l’accessibilité a permis à des squatteurs de s’installer à plusieurs reprises. Des voitures qui y étaient garées ont alors été vandalisées. « Le bas de caisse d’une voiture appartenant à une voisine a même été entièrement démonté », précise un autre locataire.

Le portail avant de la résidence est arraché / crédit : Alexandre Bourasseau

Une responsabilité difficile à établir

« C’est le syndic’ de l’ensemble de l’immeuble qui est responsable et en charge de l’entretien du parking, du portail ou de l’éclairage extérieur », se défend Nanterre Coop Habitat. « Pour pallier cette non-réactivité, nous avions, par le passé, missionné notre régie ouvrière pour procéder à des réparations sur ces équipements collectifs (sans facturation), interventions qui nous ont valu un courrier du conseil syndical qui nous rappelait nos obligations et sa responsabilité dans l’entretien de la résidence », explique le bailleur.

C’est en s’unissant qu’ils arriveront à se faire entendre.

Les différents acteurs se renvoient la balle. Une dilution des responsabilités qui rend les choses illisibles et difficiles à faire avancer pour les locataires. Ils sont pourtant les premiers impactés par l’accumulation des dysfonctionnements.

Après avoir remercié les locataires de leur présence, Clara précise qu’une nouvelle réunion pourrait être organisée afin de régler les problèmes administratifs qu’ils rencontrent. « Ramenez tous vos papiers et nous verrons ça ensemble ». Elle pousse également les habitants à s’organiser et à créer un groupe WhatsApp pour coordonner leurs actions. « Seul.e.s, leurs démarches ont peu de chances d’aboutir ou prennent du temps, confie Clara. C’est en s’unissant qu’ils arriveront à se faire entendre. »

Alexandre Bourasseau

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