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« Ce matin, on attaque l’État », annonce Christophe Robert, directeur général de la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-fondation Abbé Pierre) alors que la conférence de presse s’installe dans un café du 7ᵉ arrondissement, à proximité du ministère du Logement. Avec 39 autres associations, la Fondation saisit la justice face à l’incurie du gouvernement face au mal-logement.

Deux recours ont été déposés devant le tribunal administratif de Paris pour « rappeler à l’État ses obligations ». Le premier concerne l’hébergement d’urgence et repose sur les fondements de texte nationaux et supranationaux instaurant « une obligation générale de lutter contre le sans-abrisme ». 

Le second recours porte sur le droit au logement opposable (DALO) et l’urgence de mettre en application ce texte censé garantir un droit au logement aux personnes éligibles. En France, 96 000 ménages reconnus prioritaires Dalo sont toujours en attente de relogement.

Des enfants à la rue

Face au parterre de journalistes, les associations soulèvent les enjeux de cette action. L’hébergement d’urgence connaît une crise profonde. « En moyenne, 6 000 personnes par jour appellent le 115, dont 2 000 enfants à qui on ne propose pas même un hébergement pour le soir venu », alerte Christophe Robert.

Pour les personnes qui trouvent une solution, même temporaire, ils doivent subir des conditions d’accueil de dégradées. Pour les assistants sociaux, il y a, avec cette question du manque de place, un choix illégal, mais nécessaire de priorisation des personnes accueillies.

Publié à la fin du mois de janvier, le rapport de la Fondation pour le logement des défavorisés sur le mal-logement donne à voir les conséquences de la crise du logement pour les plus précaires. On parle de 350 000 personnes sans abris en 2024, soit plus de 130 % en 10 ans.

Pour un logement et une vie décente

Au milieu des journalistes et des associatifs, Hayat se fraie un chemin et prend la parole. Cette femme de 63 ans vient partager son témoignage reflétant la réalité du mal-logement en France. Atteinte de la maladie de Crohn, elle bénéficie de l’hébergement en hôtel social depuis juillet 2020 après avoir été hébergée au sein d’un gymnase depuis le mois de mai 2020.

Cette sexagénaire évoque un « manque de dignité et d’intimité » au sein des hôtels sociaux. Un cas qui illustre la problématique des personnes handicapées et sans abri. « Ce que je souhaiterais, c’est la stabilité et la sérénité », explique-t-elle sobrement, un foulard aux couleurs chatoyantes autour du cou.

Pour Nathalie La Tour, directrice générale de la Fédération des Acteurs de la Solidarité, « Il était primordial qu’on puisse engager ce type de démarche. Ce qu’on demande, ce sont des règles fixées par un État de droit et qui disent ce qu’il faut faire sur le logement et l’hébergement à l’État ». Et si le logement, comme les autres secteurs, a subi des coupes budgétaires, investir dans le logement est, selon elle, « une question d’un choix social et économique ». 

Ce type de dépenses sont vues comme des coûts et non pas comme des investissements

« C’est toujours ce type de dépenses qui sont vues comme des coûts et non pas comme des investissements. Aujourd’hui, plusieurs études montrent que laisser des personnes à la rue coûte plus cher à notre société que de leur proposer une solution pérenne », plaide Nathalie La Tour.

Alors que les demandes de logements sociaux s’élèvent désormais à 2,7 millions, un record, seulement 84 000 nouveaux logements sociaux ont été financés en 2024, contre 124 000 en 2016. Les coupes budgétaires et les effets des dernières lois votées en matière de logements sociaux ne risquent que d’aggraver la situation. Premier poste de dépense des plus précaires, le logement représente un indicateur fort des inégalités sociales, comme le souligne Nathalie La Tour.

Des relais sur les réseaux sociaux

Et si cette attaque en justice a été faite en grande pompe près du ministère du Logement, le coup d’envoi de cette action “coup de poing” a également été marqué par le lancement de la campagne sur les réseaux sociaux. Plusieurs personnes telles que les créateurs de danse pour le climat, Le jeune engagé, Vivre moins con ou encore la dessinatrice et autrice Cht.am étaient présents. Ils se sont mobilisés sur les réseaux sociaux pour visibiliser cette action auprès de leurs communautés.

La dessinatrice Cht.am a, pour l’occasion, réalisé une planche qui revient sur cette attaque en justice de l’État. Elle a l’habitude d’aborder des thématiques d’actualité en illustration de façon assez simple, mais efficace. « C’était important de parler de ce recours, notamment sur les réseaux ». Une thématique qu’elle a déjà abordée dans une planche autour de la précarité énergétique. En France, 26 % des ménages ont eu froid chez eux en 2023, contre 14 % en 2020.

Hamama Temzi

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