En navigant sur le net, j’ai accosté sur un site qui vante les mérites du maquillage halal. Oui, halal. Comme la viande, chez le boucher musulman du coin. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un canular. Mais non, ce n’est pas une blague, ce marché-là existe réellement. Quand je parle de maquillage halal aux gens de mon entourage, ils me fixent avec des yeux ronds et éclatent de rire. Comme si j’étais détraquée. Il y a aurait donc un maquillage « halal », autrement dit licite selon l’acception musulmane, ce qui suppose qu’à côté de cela, il y aurait des maquillages « haram » (péché).

J’ai fait mon petit sondage dans le métro. Lamia, 19 ans, estime que le concept de maquillage halal « est totalement stupide, cela montre que certains sont prêts a jouer avec les convictions religieuses des gens pour se faire de l’argent ». Thierry, 22 ans, lui, estime que « tout cela est exagéré, mais [que] chacun est libre d’acheter ce qu’il veut ». D’autres, comme Léa, trouvent le concept « original » et « intéressant », si cela « empêche de tuer des animaux », et si surtout « chacun y trouve son compte ».

Beaucoup de ceux que j’ai interrogés voient surtout là un coup marketing et commercial, qui joue notamment sur le sentiment de culpabilité que peuvent nourrir des musulmanes soudain plus regardantes sur la composition des mascaras et rouge à lèvres. Mais cette offre « halal » séduit aussi certaines femmes ou jeunes femmes, à l’image de Sabrina, 23 ans : « Pour moi, c’est une bonne initiative, je trouve ça bien que l’on fasse des produits adaptés aux convictions de tout le monde, mais pas seulement d’un point de vue religieux. Ces produits ne contiennent aucune trace animale, ni d’alcool, personnellement j’en achèterais sans problème. » Sans graisse animale, donc, et plus particulièrement sans graisse de porc, mais aussi sans alcool, cela m’étonnerait toutefois qu’un entrepreneur se lance dans une ligne de parfums « halal », mais sait-on jamais.

Trois marques proposent ces produits de beauté halal, et toutes trois possèdent un site internet, plateforme de vente par excellence : Onepurehalalbeauty.com, Saminapuremakeup.co.uk et http://www.jamal.fr/ Ces marques-là ont été fondées dans trois pays différents, respectivement au Canada, au Royaume-Uni et en France. Notons qu’elles n’ont pas été créées dans un pays musulman. Sur Saminepuremakeup.co.uk on découvre que tout est fait pour que toutes les femmes soient séduites par le concept, musulmanes ou non. En effet, non seulement les produits seraient « dépourvus de produit pétrochimique, de conservateurs […], d’alcool, de dérivés du pétrole » mais aussi de matière animale. De quoi séduire certaines musulmanes, persuadées de bien agir, mais aussi les ferventes défenderesses des animaux et les femmes soucieuses de l’environnement en général.

Selon Leyla Mandi, PDG de One Pure, business-woman canadienne convertie à l’islam, « les musulmans ne veulent pas sortir et prier cinq fois par jour en ayant des résidus de porc sur le corps ». Par curiosité j’ai tapé le nom de cette femme sur Google Images. Elle porte un voile assez long sur ses cheveux et son maquillage est plutôt discret. Sur d’autres photos, Leyla Mandi – c’était, selon toute vraisemblance, avant sa conversion à l’islam –, n’incarne plus du tout la musulmane pudique mais la parfaite bimbo botoxée : blonde, forte poitrine, maquillage intense. Aujourd’hui, la PDG de One Pure affiche un sourire figé, comme sur une poupée de cire.

Toutes ces marques de produits de beauté dits « halal » se font petit à petit un nom. Chez One Pure, un simple sérum pour la peau coûte 67 livres sterling quand même ! Moins cher que La Prairie, mais ça s’en rapproche… Pour l’instant, One Pure écoule sa marchandise sur Saudi Airlines et dans quelques boutiques de Dubaï. Samina Akhter, de Saminepuremakeup, vend du maquillage halal à des prix comparables à ceux des marques traditionnelles. Ce qui pourrait séduire pas mal de femmes. La marque Jamal, elle, est même certifiée « halal » par la Mosquée de Paris. J’ai tenté de joindre la Mosquée de Paris pour avoir confirmation de cette certification qui se veut prestigieuse et sans reproche. Mais pas de nouvelles.

Doria Attia

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