Slimane Guir : vous connaissez ? Derrière ce patronyme se cache un jeune et très prometteur auteur, comédien et metteur en scène de théâtre. Slimane Guir vient justement de mettre en scène au Centre culturel Auguste Dobel dans le XX° arrondissement parisien, sa pièce intitulée « Marianne et ses ouailles ». Rideau noir. Marianne, figure allégorique de la République incarnée par une actrice rayonnante, en majesté sur un piédestal, contemple les spectateurs qui finissent de s’installer dans la petite salle comble.20h10 : le spectacle commence !

Deux hommes tout de noir vêtus font irruption sur scène. Un grand noir, crâne rasé, silhouette athlétique, vite rejoint par un Beur trapu. Des intermittents du spectacle ? Les vigiles du centre Auguste Dobel ? Erreur ! Ce sont les deux brillants comédiens de cette pièce haute en couleurs. Plusieurs sujets sont abordés au cours de la représentation : Black et Beur confrontés à la discrimination en France,  la double culture, les préjugés dont sont victimes les jeunes issus de l’immigration, les dysfonctionnements et paradoxes de la République française, etc. Si les thèmes traités par Slimane Guir sont loin d’être nouveaux, et disons-le, relèvent des poncifs caractéristiques de tout bon one-man show contemporain, c’est sa façon originale de les développer qui rend son travail artistique remarquable et digne d’être connu.

En effet, loin de se cantonner à une stigmatisation de l’antagonisme des cultures, de la xénophobie et de toutes les formes de discrimination, Slimane Guir invite à relativiser les problèmes et à ne pas tomber dans une victimisation à outrance. Certes, beaucoup de blacks et de beurs souffrent en France. Mais des Français dits « de souche » souffrent aussi. Bref, nul n’a le monopole de la souffrance, pas même les Français d’outremer ou d’origine africaine. Alors, évitons de trop nous plaindre !

« Vous croyez vraiment que la République est responsable de tous vos maux ? demande la comédienne qui incarne Marianne sur scène. – C’est pas toujours facile de vivre ici mais c’est pas si mal ! » s’exclame un peu plus loin un comédien.

Et pensez-vous vraiment que votre vie sera meilleure dans cet ailleurs que vous idéalisez tant ? Le retour au bled peut infirmer l’horizon d’attente et faire naître le sentiment d’une double étrangeté. On se retrouve étranger dans son pays natal et dans celui de ses parents : quel comble ! Bien sûr, Slimane Guir souligne aussi les « incohérences » de la République française, comme  la laïcité, principe énoncé dans la Constitution, loi suprême de notre bonne patrie !

Dans les faits, une pléthore de jours fériés en référence à la naissance du petit Jésus, à son dernier repas avec ses apôtres (Pâques), à l’élévation au ciel du même Jésus (Ascension) et on en passe. En somme, comme dit un comédien, « en France, dans cette patrie laïque, on a la chance de fêter chaque jour l’anniversaire d’un saint » – catholique, cela va sans dire.

Néanmoins, Slimane Guir appelle à agir en citoyen et à se battre non pas contre la République mais en vue de sa refondation. Exit le communautarisme ! Black, Blanc et Beur ont tout à gagner à vivre en bonne intelligence. Tel est le propos truffé de références historiques et abordé avec beaucoup d’humour par le talentueux Slimane Guir accompagné sur scène de Jean-Élie Franck et d’Anne-Laure Laithier ! Dommage que cette pièce portée par des acteurs remarquables et ovationnée par un public conquis ait été si peu jouée jusque-là. Mais qu’attendent les programmateurs de spectacle pour la mettre à l’affiche ?

Gaëlle Matoiri

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