Le 7 mars, la veille de la journée internationale des droits des femmes, a eu lieu à Paris une marche féministe de nuit. Cette marche était organisée en non mixité sans hommes cis (c’est-à-dire sans personnes assignés hommes à la naissance et se reconnaissant dans ce genre). Ce sont donc des femmes cis, trans, des hommes trans et des personnes non-binaires qui ont marché dans les rues de Paris. Avec des milliers d’autres femmes, j’ai participé à cette marche féministe.

J’avais déjà participé à la marche organisée l’an passé mais nous étions encore plus nombreuses cette année.

Dès la sortie du métro, sur les voix scandant des slogans féministes, je sentais toute la détermination du soir. Pourtant d’habitude, lorsque je sors seule du métro de nuit, comme de nombreuses femmes, je suis toujours sur mes gardes. Mais là je n’ai ressenti que de la force, aucun homme ni pour nous agresser, ni pour nous « protéger ». C’était juste nous et cela suffisait pour ne plus ressentir aucune peur : « Et la rue, elle est à qui ? Elle est aux meufs ! De jour comme de nuit ? Elle est aux meufs ! »

La marche démarre de la place des Fêtes vers 19h30 en direction de la place de la République. Sur les pancartes, je vois de nombreuses références à la tribune de Virginie Despentes qui a marqué les esprits : « On se lève et on se casse ». Cette nuit, nous nous sommes levées et nous sommes cassées, sans avoir à donner d’explication aux hommes, mais parce que nous savons que c’est ce que nous devons faire, ensemble.

Sur notre trajet, scandant « Antipatriarcat », nous avons applaudi des femmes aux fenêtres des immeubles haussmanniens qui étaient sortis pour nous soutenir en tapant sur des casseroles. Beaucoup de symboles forts pour cette manifestation, nous sortons de nuit dans la rue, nous sortons les casseroles des cuisines pour faire du bruit et mettre fin au silence. Les femmes ne veulent plus être aux places qui leur ont été assignées, nous reprenons le contrôle de nos corps et de nos espaces qui nous sont spoliés par le système patriarcal. Après les évènements de ces dernières semaines, nous reprenons de la force et du pouvoir entre sœurs féministes.

A bat l’Etat, les flics et les machos

Les slogans les plus marquants que j’ai entendu visaient particulièrement les violences sexuelles commises par des hommes, et des slogans contre la police qui participent à la culture du viol et à l’impunité des agresseurs : « Un viol, une balle, justice sociale » ou encore « Que fait la police ? Ça crève les yeux ! Une femme qui porte plainte ? Ça ferme les yeux ! ». Selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, « dans toutes les infractions [à caractère sexuel, verbales ou physiques] […] 91% des mis en cause sont des hommes ».

Le site « Paye ta police » recueille les nombreux témoignages de femmes qui racontent les réactions de la police lorsqu’elles ont porté plainte pour viol, violences conjugales ou encore harcèlement. Les refus de plainte, les rires, les tentatives de justification des agressions sont nombreuses. Après la violence de l’agression, c’est la violence de l’Etat qu’il faut subir. En 2019, en France, 149 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon, certaines avaient déjà déposé plusieurs plaintes ou mains courantes pour violences conjugales.

Lorsque nous arrivons vers la place de la République, nous sommes accueillies par la police qui très vite décide de nous disperser. Nous sommes gazées et nassées pour être escortées jusqu’au métro. J’ai réussi à ne pas entrer dans la nasse et je filme les violences policières de l’extérieur. Les militantes féministes résistent et continuent les slogans contre les boucliers de la police. A 23h30, nous étions toujours sur la place : des militantes ont été trainées au sol, matraquées et 11 arrestations ont eu lieu lors de cette nuit.

Du 7 au 8 mars : deux salles, deux ambiances

J’ai décidé d’aller à la manifestation en mixité du 8 mars. Après avoir fait un petit tour d’horizon de la manifestation, plutôt éclectique, je suis allée en tête de cortège lorsque j’ai entendu que des féministes ayant participé à la manifestation de la veille tentaient d’organiser un cortège de tête non-mixte.

Les hommes refusaient de partir, au contraire ils criaient plus forts, imposaient leurs slogans et nous narguaient de leurs présence, jusqu’à ce que l’un d’eux crache sur l’une de mes camarades. A ce moment, un conflit a éclaté entre les féministes et le groupe d’hommes et de femmes, se revendiquant antifascistes et gilets jaunes, qui refusaient la non-mixité.

A l’arrivée à République, c’est un groupe fasciste qui a attaqué la manifestation en arrachant la banderole de féministes et en les frappant. De nouveau, nous avons vite réagi pour nous défendre.

Ces violences contre les féministes, par des menaces sexistes ainsi que des violences verbales et physiques se sont abattues sur nous de la part de la police et des hommes de la manifestation. Le 9 mars, Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes a justifié les violences policières du 7 mars en rappelant que notre « manifestation de nuit [était] organisée par des groupes antifascistes, anticapitalistes, féministes. ». Oui, Madame la Ministre, c’est ce que nous sommes ! Des combattantes pour la libération de tout-e-s !

Anissa RAMI

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