C’est l’histoire d’un capitaine insouciant sur un frêle esquif. Un jeune ado de 13 ans emporté par sa fougue candide et le courant du quartier. A cet âge-là, vous savez, on passe son temps à rêver et pour peu qu’on ait un peu de talent, le rêve, rattrapé par la réalité, dérive sur la houle des passions démesurées.

C’est à 13 ans que le capitaine affronte sa première tempête. Après moult avertissements de Dame Nature, le 18 décembre 2001, le petit skipper est éjecté de son voilier ; ironie du moment, en pleines vacances de Noël. C’est à cet instant précis qu’il cesse de croire au père Noël. Il nage alors six mois avant de rejoindre la rive, six longs mois où il est livré à lui-même, seul à braver ses tourments d’enfant de 13 ans, seul face à ses spectres nocturnes.

Il est seul face aux requins assoiffés de son sang frais, ils n’attendent qu’une chose, lui qui les nourrira. Il faut se méfier de ces bancs de poissons qui nagent si fièrement ensemble, mais qui, sous la menace des squales, se dispersent. Solidarité par temps calme, chacun pour soi quand survient le danger. L’enfant de 13 ans, isolé dans ses peines, ses doutes et ses regrets, a pour unique torche l’inconstante lueur de la Lune.

Mai 2002, le petit Robinson Crusoé échoue sur le rivage. En septembre, il reprend le large. Malgré l’année de retard dans sa course au brevet des collèges, le moussaillon est plus que jamais d’humeur résolue. Sauf que… Nouveau contexte, nouvel itinéraire, nouvelle embarcation rendent sa progression moins simple qu’il ne l’envisageait. Le voilà sur une pirogue soumises à la violence des éléments.

La violence appelle la violence, le minot a sorti les crocs afin d’assurer sa survie, lui, l’espiègle, le souriant. Bis repetita, le matelot est une nouvelle fois éjecté de l’embarcation : il avait été violent, très violent même, avec celui qui était chargé de lui enseigner les arts plastiques…

Cette histoire est le triste aveu d’impuissance de l’école, dont bon nombre de moussaillons ne parviennent pas à faire le tour. Victimes de cette passion pour le ballon rond dont ils ont hérité et qui a pris le dessus sur une raison trop peu formée, trop peu encadrée, victimes de conditions de vie où la précarité en presque tout est reine, ces jeunes sont jetés trop vite dans la vie comme des bouteilles à la mer, et l’on va leur susurrer que l’école n’est pas faite pour eux, qu’il existe d’autres voies menant au bonheur.

Les plus chanceux d’entres eux, graciés par l’inspection académique, obtiendront une seconde chance dans une cage à poules du 9-3, arborant fièrement les valeurs de la République française, Liberté Egalité Insécurité, où l’on perd la vie pour un regard de travers.

Nabil Addi

Clip « Petit frère » (IAM) : http://www.youtube.com/watch?v=56ILdm8D02M

Nabil Addi

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