Famille, amis, soutiens de la famille de Yacine étaient rassemblés ce samedi dans le quartier de Savigny à Aulnay-sous-Bois pour rendre hommage au jeune homme de 24 ans retrouvé mort dans une cave le 14 septembre. La famille réclame une deuxième autopsie et ne croit pas en la version officielle d’une mort par overdose.

Il est un peu plus de 14h15 en ce samedi 30 septembre et le soleil cogne bien. Environ 300 personnes sont venues pour soutenir la famille du jeune défunt au pied du 2 avenue de Savigny à Aulnay-Sous-Bois, en plein cœur du quartier de Yacine.

Le matériel est sommaire : une mini-chaîne, des chaises pour accueillir la famille du défunt et deux banderoles sont dépliées, l’une attachée entre deux arbres, l’autre suspendue devant le magasin. Leurs messages : « Vérité pour Yacine » et « Exigeons une vraie enquête ».

Les soutiens sont rassemblés en petits groupes autour d’un magasin d’alimentation générale et de produits exotiques. Nous sommes ici à quelques mètres de l’immeuble où vit la famille de Yacine. Là aussi où des échauffourées ont eu lieu entre jeunes et policiers pendant plusieurs nuits suite à l’annonce de la mort de Yacine. En ce samedi après-midi ensoleillé, tous les visages sont tristes, baissés parfois angoissés. Parmi la foule, il y a Théo, victime d’un viol présumé d’un policier dans cette même ville, à quelques mètres de là le 2 février 2017. Il y aussi des membres de la famille d’Adama Traoré, mort à 24 ans lui aussi en juillet 2016, à la suite de l’interpellation des gendarmes de Persan (Val d’Oise). Quelques journalistes ont également fait le déplacement ainsi que des personnes venues de Paris et parfois de plus loin pour soutenir la famille de Yacine à l’origine du rassemblement.

« Ce que nous voulons, c’est une contre-expertise car le visage de mon frère a des traces »

La foule est calme, respectueuse du silence que l’on doit en période de deuil en présence de la famille du jeune défunt. Parmi elle, Hadama Traoré s’affaire : cet Aulnaysien, militant, co-fondateur du mouvement « La Révolution est en marche » est chargé de l’organisation du rassemblement. « Si nous sommes là réunis, c’est pour soutenir la famille de Yacine. Nous ne sommes plus en sécurité. Nous ne pouvons plus supporter d’enterrer chaque année des jeunes à cause des violences policières. Il faut reconnaître que personne n’a choisi le milieu où sa mère va lui mettre au monde. Nous sommes des Français à part entière. Et nous réclamons vérité pour cette affaire, et sur tous les autres dossiers car la liste est longue », affirme-t-il en colère. Aucun élément ne permet pour l’instant de parler de violences policières dans cette affaire, le parquet de Bobigny ayant écarté l’hypothèse d’une mort violente. Mais familles et proches réfutent clairement l’explication officielle selon laquelle Yacine est mort par overdose. Les proches du jeune Aulnaysien n’ont qu’un objectif, qu’une deuxième autopsie soit réalisée.

Billel, le frère de Yacine, prend la parole. « Je remercie au nom de la famille toutes celles et ceux qui ont venus pour nous soutenir ». Il poursuit : « Il faut reconnaître que Yacine n’est ni fumeur ni alcoolique. Il était en bonne santé, donc il ne faut pas nous faire croire qu’il est décédé d’une crise cardiaque ou bien qu’il était drogué ». Les yeux enfoncés de Billel décèlent toute la fatigue du corps. « On ne pointe quiconque du doigt ni la police ni d’autres personnes. Ce que nous voulons, c’est une contre-expertise car le visage de mon frère a des traces. Dans la cave, là où l’a retrouvé, il y avait un barre de fer et des traces de sang, et je déplore qu’on n’ait pas eu accès ni à l’autopsie ni aux différentes enquêtes ».

« Nous vivons dans le vide »

Une dizaine de personnes, proches de la famille, arborent des gilets jaunes et assurent l’ordre autour du rassemblement. Les témoignages s’enchaînent. Le frère de Théo prend la parole : « Nous venons apporter notre soutien à la famille. Et nous portons avec eux ce combat. Nous l’avons vécu il n’y a pas trop longtemps. Alors comme pour les autre dossiers nous voulons que la justice soit équitable ».

Les questions des journalistes tombent, Billel est là pour répondre. Vient celle autour de la plainte déposée contre X pour homicide, non sans difficulté. « Nous sommes censés vivre dans un pays de liberté. Après une telle situation, nous la famille nous avons le droit de porter plainte ! Je me suis rendu dans quatre commissariats, à Montreuil, Aulnay-Sous-Bois, Sevran et Bobigny. Tous ont refusé de me laisser déposer cette plainte. J’ai dû exiger de changer d’avocat à trois reprises pour que ce dernier puisse intervenir et pour pouvoir enfin déposer une plainte ».

La mère de Yacine est assise sur l’une des chaises, entourée par des voisins. On la voit, on l’entend s’effondrer. « Nous vivons dans le vide. Yacine était un fils mais aussi un ami et un confident. Il venait de passer une formation en poids-lourd. Il avait de l’ambition dans sa vie. C’était quelqu’un de très attentif, quelqu’un de solidaire. Il avait assisté aux manifestations organisées par la famille d’Adama Traoré et celles pour Théo. Je veux qu’on me rende mon fils pour faire mon deuil ». Les larmes sont tombées. Billel la sert fort dans ses bras avec sa sœur. L’émotion a envahi la foule. « Je tiens à vous dire nous ne sommes pas seuls. Les autorités tunisiennes nous accompagnent pour toutes les démarches pour que nous puissions connaître la vérité et pour pouvoir ramener le corps en Tunisie et l’enterrer ».

Les amis de Yacine sont là aussi et souhaitent porter ce combat pour l’honneur de leur copain. Parmi eux, il y a Mohamed qui affirme avoir passé la soirée aux côtés de Yacine juste avant le drame. « Nous étions jusqu’à 4h du matin ensemble. Je suis écoeuré de ce qui est arrivé. Yacine était mon meilleur ami. Nous ne laisserons pas faire. Parce que ça peut nous arriver à nous tous. Nous menons ce combat jusqu’au bout pour la dignité de la famille et pour notre quartier. Yacine était quelqu’un de bien ». 

Rencontre entre la famille de Yacine et le procureur de Bobigny

La mobilisation semble faire avancer quelque peu les choses. Le procureur de la République accepte de recevoir la famille de Yacine ce mercredi 4 octobre à 17h au parquet de Bobigny. « Nous espérons que c’est pour nous laisser accéder au dossier, au rapport d’autopsie et aux éléments d’enquêtes, indique Billel. La semaine dernière, notre avocat n’a pu que survoler. Nous continuons la mobilisation, on ne peut plus se permettre de perdre un temps précieux. Mon frère est en attente à l’institut médico-légal depuis le 14 septembre ». 

Kab NIANG

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