En France, on a coutume de désigner l’armée comme « la Grande Muette ». Mais, depuis les émeutes de l’automne, ce rôle a été largement repris par la police qui fuit le contact avec les journalistes. On apprécie donc à sa juste valeur l’autorisation qui nous a été accordée d’aller interroger Pierre-Henri Machet, commissaire principal, chef de la circonscription de Bondy et de Pavillons-sous-Bois (65 000 habitants au total, selon les chiffres officiels).

Arrivé là le premier septembre 2003, mais installé dans le Neuf Trois depuis l’an 2000, Pierre-Henri Machet se tient derrière un bureau sur lequel on repère deux livres incitant au respect de la loi commune: le Code pénal à sa gauche, le Larousse illustré à sa droite. Il a 34 ans, s’exprime d’une voix égale, sérieux, moins souriant que le portrait du président Jacques Chirac accroché au mur. On aurait souhaité photographier le commissaire principal, mais il a décliné la proposition: « J’ai une conception humble de ma fonction. »

Vous devrez donc vous contenter de l’image du commissariat. Un bâtiment tout en longueur, de deux étages, qui jouirait d’une vue imprenable sur le cimetière de Bondy si l’architecte avait songé à mettre des fenêtres de ce côté-là. C’est au rez-de-chaussée que se trouvent les quatre « geôles de garde à vue ». Une cellule collective et trois individuelles: une capacité que l’on imagine plutôt faible pour faire face à des nuits d’émeutes…

Mais Pierre-Henri Machet ne voudrait pas que l’arbre dissimule la forêt. Le pain quotidien de la police de Bondy, ce n’est pas l’émeute mais les délits routiers, les querelles familiales, les conflits de voisinage, la petite délinquance… « Vous savez, les principales doléances concernent le stationnement anarchique et les nuisances sonores. C’est vrai que le département connaît un contexte de violence plus important qu’ailleurs. Mais les affaires criminelles restent malgré tout exceptionnelles. Un ou deux cas d’homicides par an. Un peu plus pour les affaires de viol. »

Les jeunes de Bondy avec qui j’ai parlé divisent volontiers les policiers en deux catégories. D’un côté les « képis », portant l’uniforme. De l’autre, les policiers de la BAC (brigade anti-criminalité), en civil, qu’ils décrivent comme infiniment redoutables. »

Méfiez-vous des rumeurs qui courent dans les cités, rétorque Pierre-Henri Machet. Nous employons plus d’une centaine de policiers, dont une douzaine seulement travaillent pour la BAC qui recherche les flagrants délits. Dans l’esprit de certains jeunes, tous les fonctionnaires de police en civil sont identifiés à la BAC. Mais ils peuvent appartenir à toutes sortes d’autres services. »

Faut-il aussi ranger au nombre des rumeurs les propos souvent recueillis, au fil de ce blog, qui évoquent des vexations policières, des menaces, des insultes, des « attitudes de cow-boy »?

Là, on sent poindre l’agacement du commissaire principal: « La France n’est pas une république bananière. Les fonctionnaires de police sont contrôlés. La très grande majorité respecte les règles de notre code de déontologie. Et quand il y a des dérapages, leurs auteurs sont sanctionnés. Mais nous devons aussi tenir un discours de fermeté pour rappeler la loi aux gens. Nous sommes dans un département où les policiers sont soumis à des pressions très importantes. En moyenne, nous comptons une quarantaine de fonctionnaires blessés chaque année, souvent au cours d’interpellations difficiles. »

D’accord, passons donc à autre chose: dans quelle mesure la présence de Nicolas Sarkozy au Ministère de l’Intérieur a-t-elle contribué à renforcer les moyens de la police pour une ville comme Bondy?

– En termes de moyens, un chef de service voudrait toujours avoir plus que ce dont il dispose.- Cela veut dire que vos moyens ont été renforcés?

– Il ne faut pas voir les choses simplement comme ça. Nous sommes aussi dans une logique de rationalisation de la dépense publique… – Oui, mais vos effectifs ont été augmentés?

– Globalement, les effectifs ont progressé sur l’ensemble du territoire national. Désolé, vous ne saurez rien de plus précis, ma question n’était visiblement pas la bonne. En revanche, Pierre-Henri Machet se montre plus loquace pour commenter le cycle saisonnier des violences urbaines. D’ordinaire, celles-ci augmentent au printemps, culminent au mois de juin, puis se calment au cœur de l’été: « Le mois d’août est le moins criminogène. » Les grandes flambées de l’automne échappent donc à la règle. Mais, à Bondy, on a retrouvé la norme malgré les craintes exprimées à l’approche de l’an nouveau: « Il n’y a pas eu d’incident majeur, pAoursuit Pierre-Henri Machet, pas de jet de projectiles. On a dénombré deux véhicules incendiés, ce qui est moins que l’an dernier. Cette nuit a été très calme sur Bondy comme sur le département. »

 

 

 

Par Michel Audétat

Michel Audétat

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