Interpellé à la sortie du collège, I. est ressorti de garde à vue avec un coude cassé. Son avocat ne parle pas de dérapage, mais de  « violence délibérée ». Une manifestation était organisée ce dimanche 10 juin, en soutien du jeune homme, devant la mairie du 19° arrondissement parisien.

Ils étaient une quinzaine, peut-être une trentaine devant la mairie du 19ème pour soutenir un jeune garçon que nous appellerons I. Âgé de 15ans, interpellé à la sortie du collège et ressorti après 24 heures de garde à vue avec un coude cassé et 45 jours d’ITT (Incapacité Totale de Travail). Peu nombreux mais tous abasourdis par la gravité de la situation. Franco, membre de la brigade antinegrophobie et du collectif contre le contrôle au faciès, exprime sa colère et surtout son incompréhension.

« Comment expliquer qu’un jeune de 15 ans entre en bon état et ressorte de garde à vue avec un coude cassé? Pourquoi certains citoyens ne sont pas traités de la même façon que les autres? », interroge-t-il, un mégaphone à la main. « Cette situation ne doit pas être passée sous silence, il faut que nous montrions que nous sommes capables de nous insurger contre l’inacceptable ». L’inacceptable, c’est ce que semble avoir vécu I. 15 ans, un visage de poupon et le gabarit fluet d’un enfant de son âge. Le jeune garçon est présent avec sa famille, les yeux rivés vers le sol, il semble intimidé mais accepte de revenir sur ce qu’il s’est passé.

« J’étais assis avec des amis devant le collège, j’avais une cigarette de tabac roulé à la main. Un ami à moi m’a dit qu’il y avait la police, j’ai eu peur alors j’ai jeté ma cigarette. Là, une policière est venue vers nous, elle m’a demandé de me lever, j’ai demandé pourquoi. Son collègue s’est approché, il m’a pris par le bras et m’a tiré. Là il m’a emmené vers le porche et m’a demandé ‘tu te prends pour qui?’, j’ai répondu ‘pour personne’ alors il m’a pris par le cou. Je lui ai dit que je n’avais pas peur de lui, alors il m’a mis les menottes et m’a embarqué dans la voiture avec les deux policières qui l’accompagnaient. Dans la voiture, il m’a mis des claques. Je l’ai insulté de ‘petit PD’ et là il m’a dit ‘enculé, tu vas voir au commissariat’. »

« On est arrivés au commissariat, il m’a tiré dans une cellule, je me suis assis sur le banc. Là il m’a enlevé les menottes, il a enlevé sa ceinture et m’a dit ‘lève toi!’. Ensuite il m’a mis des coups de poing alors j’ai essayé de me défendre mais je n’ai pas réussi.C’est là que deux de ses collègues sont venus, ils m’ont mis des coups de poing sur le bras et des coups de pieds. Ils m’ont remis les menottes puis m’ont mis un coup de pied dans les parties génitales. Ensuite, ils m’ont emmené voir un monsieur qui m’a lu mes droits, il m’a demandé j’avais quel âge, je lui ai répondu, il m’a expliqué que j’étais là pour outrage et rébellion. Je me suis plaint de douleurs deux fois, quand les policiers m’ont interrogé j’ai demandé à voir un médecin puis quand j’ai vu mon avocat commis d’office vers minuit, on m’a dit qu’un médecin allait venir mais il n’est jamais venu. C’est le lendemain matin qu’on m’a emmené à l’hôpital. Là, je me suis plaint de douleurs au bras, le médecin m’a dit que je n’avais rien, que ça allait passer, il m’a donné 3 jours d’ITT ».

Ce n’est que le lendemain, après 24 heures de garde à vue que I. sera remis en liberté. Pour Maître Bourdon avocat de la famille : « Il s’agit de faits très graves en raison du très jeune âge, en raison du bras cassé. Les éléments convergent nettement vers une violence délibérée dans les locaux de la garde à vue. Les faits ne sont pas intervenus dans une logique d’affrontement. Ce n’est pas un dérapage, mais une violence très délibérée, très ciblée sans aucune espèce de justification!» explique l’avocat qui ajoute qu’ « il y a de nombreuses interrogations sur la régularité de la procédure. »

Souffrant au niveau du bras, il ira consulter son médecin généraliste le lendemain de sa sortie qui lui prescrit une radio ainsi que 7 jours d’ITT. Ils se rendent alors à l’hôpital Lariboisière pour effectuer une radio où I. sera immédiatement hospitalisé puis opéré du coude le lendemain. Il repartira avec 45 jours d’ITT.

« Comment expliquer que le premier médecin ait prescrit 3 jours d’ITT et le dernier 45 jours? », s’interroge Oumar le père du jeune homme. Beaucoup d’interrogations dans cette affaire, comment se fait-il qu’un enfant soit interpellé devant son collège. Comment se fait-il qu’un mineur soit gardé à vue pendant 24heures? Des questions auxquelles le commissariat du 19ème Erik Satié a refusé de répondre: « Vous savez très très bien que l’on ne donne pas ce genre de renseignement. Adressez-vous directement à monsieur Rigon Jacques. Commissaire divisionnaire qui ne travaille pas le dimanche, moi je ne vous donnerai aucun renseignement », m’explique une policière au téléphone.

Pour Franco du collectif Stop le contrôle au faciès, cette « bavure » est la bavure de trop. « Comment un policier peut entrer dans une cellule, dégraffer sa ceinture et frapper un jeune de 15 ans? Nous ne sommes pas des punching-ball humain », martèle-t-il. « C’est un enfant, il n’avait pas les moyens de se défendre face à des adultes, des policiers, comment le ministre de l’Intérieur va-t-il encore pouvoir défendre des gens qui abusent de leur pouvoir? » interroge-t-il.

La famille ne compte pas en rester là, une plainte va être déposée au parquet très rapidement pour que soit saisi un juge d’instruction. Pour Maître Bourdon, il s’agit là « d’une bavure hors norme, et le mot bavure n’est pas approprié, il s’agit de violence volontaire d’une extrême gravité sur un enfant », car il s’agit d’un enfant, ne l’oublions pas.

Widad Kefti

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