« 80 % des personnes correspondant au profil de « jeune homme perçu comme noir ou arabe » déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années, contre 16 % pour le reste des enquêtés ». Ces profils ont donc « vingt fois plus » de probabilités d’être contrôlés. C’est ce que révèle le rapport du Défenseur des droits mené début 2016 auprès d’un échantillon représentatif de plus de 5 000 personnes, une première à l’échelle nationale.

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80% des hommes de moins de 25 ans perçus comme arabes/maghrébins ou noirs rapportent avoir été contrôlés au moins une fois dans les cinq dernières années (contre 16% pour le reste de la population).

Ce constat, loin d’être nouveau, vient renforcer l’idée que le contrôle au faciès persiste.Le nombre de contrôles d’identité n’a cessé de s’accroître en France au fil des années, faisant de l’Hexagone l’un des pays européens y ayant le plus largement recours. Au sein de la population générale, seulement 16% des personnes déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années, cette proportion atteint près de 40% parmi les jeunes de 18-24 ans.

Relations plus dégradées avec les forces de l’ordre

Jacques Toubon souligne que le contrôle d’identité ne fait l’objet d’« aucune traçabilité, ce qui empêche d’en déterminer précisément les contours, ou d’évaluer son efficacité ». De nombreuses enquêtes montrent pourtant « une sur-représentation de certains groupes parmi les personnes contrôlées, notamment selon leur origine ou couleur de peau », rappelle le Défenseur des Droits.

Plusieurs millions de contrôles sont réalisés chaque année, environ 95 % d’entre eux ne débouchent sur rien. L’enquête démontre toutefois que ces contrôles ont un impact réel. Si pour la majorité des enquêtés, les relations avec la police sont satisfaisantes (82% des personnes interrogées disant faire confiance à la police), les jeunes hommes « perçus comme noirs ou arabes » témoignent de « relations plus dégradées avec les forces de l’ordre » que les autres. Ils rapportent davantage avoir été tutoyés (40% contre 16% de l’ensemble), insultés (21% contre 7% de l’ensemble), ou brutalisés (20% contre 8% de l’ensemble) lors du dernier contrôle qu’ils ont vécu.

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Parmi les hommes perçus comme arabes et déclarant avoir été contrôlés dans les cinq dernières années, 30,7% déclarent avoir été tutoyés (contre 19,5% de l’ensemble des hommes contrôlés), 29% déclarent avoir été insultés (contre 9,1% de l’ensemble) et 24,1% déclarent avoir été brutalisés (contre 8,2% de l’ensemble de la population masculine contrôlée).

Sentiment de discrimination et de défiance

Autre constat : l’enquête révèle que la fréquence importante des contrôles auprès d’une certaine catégorie de la population alimente chez celles et ceux qui en font l’objet « un sentiment de discrimination et de défiance » envers les institutions policières et judiciaires. « Les personnes déclarant des manquements à la déontologie professionnelle lors des contrôles engagent très rarement des démarches pour faire reconnaître cette situation (5%), principalement parce que ces démarches sont considérées comme inutiles ».

76,6 % des personnes contrôlées plus de cinq fois dans les cinq dernières années disent aussi « n’avoir bénéficié d’aucune explication » sur le motif du contrôle et moins de la moitié qualifient de poli le comportement des policiers (contre 70,7 % de l’ensemble de la population contrôlée au moins une fois).

La solution du Défenseur des Droits ? Une traçabilité des contrôles

« L’enquête ne permet pas de déterminer si cette sélection des populations contrôlées relève en tant que telle d’un profilage racial, ni si une telle sélectivité accroît l’efficacité des contrôles, conclut le Défenseur des Droits. Cependant, elle rend compte d’un traitement différencié des personnes selon leur âge et leur appartenance supposée à tels ou tels groupes sociaux ». Pour garantir l’accès au recours des personnes qui s’estiment victimes de discriminations, Jacques Toubon, recommande une nouvelle fois, comme en 2012, la mise en place d’une traçabilité des contrôles. Il s’agit du fameux récépissé des contrôles d’identité, la promesse de campagne rapidement abandonnée par François Hollande et son ministre de l’intérieur de l’époque, Manuel Valls.

Alors que le 9 novembre 2015 la Cour de cassation a condamné pour la première fois l’Etat pour des contrôles discriminatoires sur trois plaignants, le Conseil constitutionnel s’apprête, mardi prochain, à trancher deux questions prioritaires de constitutionnalité : les contrôles d’identité, l’entrée et le séjour des étrangers. Selon les requérants, la combinaison de ces deux lois conduit, en pratique, à des contrôles au faciès.

Leïla KHOUIEL

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