Indication de l’expérience. Cette expérience est principalement destinée aux blonds.

L’expérience. Jetez vos éprouvettes, videz l’eau de chaux dans votre lavabo. Cette expérience ne nécessite rien de tout ça. Ni produits chimiques, ni substances sulfuriques, ni Jamy de C’est pas Sorcier qui peut agoniser tranquillement. C’est une expérience que tout blond, normalement constitué, peut tenter. Voici les différentes étapes :

1. Dans un premier temps, munissez vous d’un titre de transport zones 1-2. Prenez la ligne 13. Descendez à « Mairie de Saint-Ouen ». Pour les adeptes du bus : 137, 173, 274, 166.

2. Une fois que vous êtes sur les lieux, faites connaissance avec la place de la mairie de Saint-Ouen. (En décembre, il fait drôlement maussade, ne soyez pas surpris). C’est une place avec son tabac/PMU/RAPIDO/Bar/Restaurant/Hôtel/Presse, sa station de taxis, ses vieux qui squattent les alentours pour passer le temps, son vendeur de maïs mobile, sa médiathèque blanchâtre, ses pots de fleurs. Jusqu’ici, rien d’anormal.

3. Asseyez vous sur un banc. N’importe lequel. Il y en a 6. C’est à la prochaine étape que l’expérience démarre réellement.

4. Là, commencez à compter le nombre de policiers qui s’y trouvent. Ne soyez pas surpris, tout est normal. En ce moment, il y au minimum un camion et une patrouille qui zone sur la place. Concentrez vous. Regardez-les bien, ces policiers.

5. Si vous êtes blond (et assis sur un banc comme indiqué précédemment), vous avez 99% de chance de vous faire contrôler à cet instant.

Explication de l’expérience. Depuis le 31 octobre dernier et la visite de la citrouille de Beauvau à Saint-Ouen, Claude Guéant, la place de la mairie est prise d’assaut par les pions du ministre. En effet, la technique de « nettoyage » de Guéant est assez surprenante. Les policiers, qui stagnent sur la place, du début d’après midi jusqu’en début de soirée, contrôlent uniquement « les acheteurs » venus de Paris, pour faire leur marché de substances illicites. Un policier : « On estime que contrôler les acheteurs casse le marché« . Sauf que les critères de contrôle sont atrocement discriminants. Un autre policier : « On contrôle ceux qui ont un look de bobos, parce que les bobos fument de l’herbe ». Logique implacable.

C’est ainsi qu’à Saint-Ouen, les contrôles au faciès visent principalement les blonds, cheveux plutôt longs, style débraillé. C’est au cours d’une de nos nombreuses expériences qu’on a pu entendre un policier qui tente d’impressionner un jeune blond, devant la bouche de métro : « Pas la peine de venir, on est là. Fais demi-tour« .

Les habitants qui continuent de se plaindre du trafic dans leurs cités, à Saint-Ouen, ne comprennent pas. « Entre la mairie et ma cité où les jeunes trafiquent, il y a 25 mètres. Mais la police ne s’y aventure jamais » se plaint une dame. Une autre : « Régler le problème par les acheteurs n’est pas la solution« . Pendant ce temps, les contrôles s’enchainent sur la place. Deux gars se font fouiller en public, suivant les critères de sélections. Les policiers les embarquent. Au bout de quelques heures, en sortant du commissariat, les deux gars « venus de Paris pour acheter une barrette à 10 euros » sont libres. Ils devront se présenter à nouveau au poste, le lendemain, pour payer une amende. Et ainsi de suite.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah.

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