Dans le quartier de la Métare, le parvis de l’immeuble au 7b rue Colette se remplit de monde. Des roses sont déposées sur la rambarde de l’escalier où Yusufa, père d’une petite fille de 2 mois, s’est effondré après avoir été attaqué et poignardé par plusieurs individus, une dizaine de jours auparavant.

Deux riverains accrochent une banderole à l’endroit même où Yusufa a perdu la vie. Photo : N’namou Sambu.

Beaucoup d’inconnus, mais aussi des proches du jeune homme ont tenu à se réunir pour faire leurs adieux. C’est le cas de Nelly, une amie de Yusufa : « C’était vraiment quelqu’un de bien. Il était plein d’ambition et adorait faire du sport. C’est en faisant que je l’ai rencontré. Yusufa était joyeux et très gentil. Tout le monde l’appréciait », raconte-t-elle difficilement à travers ses sanglots.

Devant la barre d’immeuble où vivait Yusufa, ses proches s’expriment face à la foule. Photo : N’namou Sambu

Nina, une jeune femme d’origine ivoirienne, était également présente au côté de la famille pour s’occuper, tout au long de la marche, de la cagnotte qui servira au rapatriement du corps de Yusufa. « Je n’ai pas les mots. Je suis vraiment révoltée ! Je travaille dans une station d’essence et j’avais l’habitude de croiser Yusufa, sans vraiment le connaître. C’est inadmissible ce qu’il lui est arrivé. Yusufa était un simple être humain ! » s’exclame-t-elle.

Une famille stéphanoise dépose de l’argent dans la cagnotte tenu par Nina, vêtue d’un gilet orange. Photo : N’namou Sambu.

Un émoi ressenti au-delà de Saint-Etienne

Du quartier de la Métare jusqu’à la place de l’Hôtel de Ville, le cortège a scandé en cœur : « Plus jamais ça ! Justice pour Yusufa ! » Au rythme du tambourin, les manifestants marchent d’un pas décidé, main dans la main. Plusieurs d’entre eux sont venus des quatre coins de la France à l’instar de Cesario, 26 ans, venu de Lyon spécialement pour la marche. « C’est un frère noir qui a été tué. Aujourd’hui, c’est Yusufa, mais demain ça peut être moi, ça peut être n’importe qui. Je pense que la communauté noire de France doit s’unir, se souder et s’entraider pour combattre le racisme », clame le jeune homme dans la foule.

La tête du cortège avec le poing levé symbolisant la solidarité et la lutte pour la justice. Photo : N’namou Sambu.

Même si le caractère raciste du crime n’a pas été retenu par le Parquet (trois suspects d’origine arménienne ont été écroués) beaucoup sont d’avis que Yusufa a été tué en raison de sa couleur de peau, notamment après que la vidéo choquante de son assassinat a fait le tour des réseaux sociaux. Les riverains qui ont filmé la scène expliquent que des insultes à caractère raciste ont été proférées.

C’est la raison pour laquelle « la communauté noire s’est sentie touchée en plein cœur », explique Hassane, l’un des participants à la marche. Une communauté qui a appelé à l’apaisement et au vivre-ensemble malgré l’indignation et la colère face au drame.

Des soutiens associatifs, judiciaires et administratifs pour prêter main forte à la famille de Yusufa

Laetitia Barlaud, la compagne de Yusufa, a pu compter sur plusieurs personnes pour l’aider à traverser l’épreuve que représente la perte de son conjoint. Des collectifs comme le JIAS (Journées de l’Initiative Africaine de Saint-Étienne) ou encore la LDNA (Ligue de défense noire africaine) ont participé à la marche. Le maire de la ville, Gael Perdriau (LR) était également présent devant le 7b rue Colette pour « témoigner de [sa] solidarité », comme il a pu le confier aux confrères du Progrès. Il s’est entretenu avec la famille du jeune Sénégalo-Gambien le jeudi précédant la marche.

 

Le genou à terre et le poing levé, les manifestants crie le nom de Yusufa après avoir observé une minute de silence. Photo : N’namou Sambu.

Anta, une amie de Laetitia, s’assure que les formalités à l’instar du rapatriement du corps de Yusufa se font dans les meilleures conditions. Pendant la marche, elle sèche les larmes de son amie tout en gérant le bon déroulement de la marche.

Sur le plan judiciaire, Laetitia est défendue par Olivia Betoe Bi Evie. « Le but est que Laetitia se constitue partie civile, puisqu’en tant que victime, le bébé qu’elle a eu avec Yusufa, n’aura plus de père », avance l’avocate. Elle explique que le couple avait porté plainte plusieurs fois pour des agressions racistes avant le drame. « Nous allons donc faire le maximum pour que le caractère raciste soit pris en compte. Nous allons saisir le Parquet et le juge d’instruction en charge de l’affaire pour savoir exactement ce qu’il en est. Ce qui est sûr, c’est que la vidéo va permettre de déterminer les responsabilités des uns et des autres. »

Rencontre entre Laetitia Barlaud et Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, accompagnés de Anta Souaré à gauche et à droite Ebrima Ousman Camara, ambassadeur de la Gambie en France. Photo fournie par Anta Souaré.

Le consulat du Sénégal, dont Yusufa avait la nationalité, épaule également la famille au niveau administratif. Le diplomate Sambou Mangane, du consulat sénégalais basé à Lyon, affirme que celui-ci travaille en collaboration avec les autorités françaises « pour que l’affaire soit tirée au clair. »

A la fin de la marche, ponctuée par des minutes de silence, c’est une Laetitia profondément endeuillée, le visage marqué par la douleur et la fatigue, qui s’exprime faiblement devant la foule amassée sur la place de l’Hôtel de ville : « Je vous remercie tous d’être venus, de m’avoir soutenue. Merci à tout le monde d’être là pour Yusufa. »

N’namou Sambu

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