Exposant le 11 janvier son bilan de l’année écoulée au ministère de l’intérieur, Nicolas Sarkozy n’a qu’effleuré la question de l’insécurité dans les banlieues. Les violences commises dans les « quartiers » n’en demeurent pas moins préoccupantes, comme l’attestent les traditionnels incendies de voitures de la Saint-Sylvestre. Derrière ces feux de joie pas très gais se trame un projet de reconquête des zones urbaines sensibles (ZUS) par la police. L’objectif est de renouer les liens entre les forces de l’ordre et les habitants, au moyen, notamment, des associations.

Une tâche en ce sens a été confiée par le directeur général de la police nationale, Michel Gaudin, à Abderrahmane Dahmane, secrétaire national de l’UMP chargé des relations avec les Français issus de l’immigration. Dans une lettre datée du 21 décembre 2006 dont nous avons pris connaissance, Gaudin confie à Dahmane « une mission d’analyse, d’évaluation de l’existant et de propositions d’amélioration touchant au recueil des attentes de la population, à l’accomplissement des missions de médiation sociale et aux missions de sensibilisation au respect de la loi qui pourraient renforcer l’action menée par la police nationale dans les ZUS. »

Abderrahmane Dahmane devra rendre un rapport le 31 mars. La priorité de son action, en étroite collaboration avec les préfets concernés, va aux départements de la petite couronne de Paris : la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine. « Mais je n’en resterai pas là, prévient le secrétaire national. J’irai à Lille, à Lyon et ailleurs. »

Un chiffon de papier que cette mission ? On ne peut l’exclure. Président de l’UMP, candidat à l’élection présidentielle et toujours ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy peut chercher là une façon de se rapprocher électoralement de la banlieue. 

Commandant de police, membre du syndicat Synergies Officiers, une organisation classée à droite, Mohamed Douhane préconise plusieurs solutions pour restaurer l’ordre et la confiance dans les ZUS. Le syndicaliste propose la création d’un « réel partenariat entre police et éducation nationale ». « Dans les établissements scolaires, il y a des jeunes de plus en plus durs, affirme-t-il. Nous pourrions renforcer les effectifs policiers aux abords des collèges et des lycées d’enseignement professionnel, des structures particulièrement touchées par les violences et où il arrive que des armes circulent. Nous pourrions mettre en place des systèmes de filtrage à l’entrée des établissements les plus sensibles. »

Ensuite, pour favoriser le dialogue, « nous pourrions affecter des policiers à des missions de relations publiques, poursuit Mohamed Douhane. Ils seraient chargés de traiter les doléances des jeunes de ces quartiers-là. » Mais le syndicaliste avertit : « Pour faire la paix, il faut l’accord des belligérants, sinon l’ONU, autrement dit la police, n’a pas sa raison d’être. »

Troisième solution imaginée par l’officier : « Il faudrait organiser une conférence nationale des acteurs de la ville : policiers, magistrats, associations, syndicalistes, etc., pour que nous apprenions à nous parler. » Mais le plus faux, pour Mohamed Douhane, serait de penser qu’il existe un conflit entre tous les jeunes des quartiers et la police : « C’est une petite minorité d’entre eux qui rend la vie impossible à tout le monde. A Clichy-sous-Bois, par exemple, ville de 28 000 habitants, les fauteurs de troubles sont 150 au maximum. »

Clichy-sous-Bois où la mort par électrocution de deux adolescents poursuivis par la police, fin octobre 2005, avait déclenché les émeutes des banlieues. « L’embrasement », un film dont le scénario est en partie inspiré de l’expérience du Bondy Blog, retrace à sa façon ces événements. Arte l’a diffusé le 12 janvier.

Pour Abderrahmane Dahmane, la tâche est ardue. Etablie à Argenteuil (Val-d’Oise), l’association Bleu Blanc Rouge, déjà reçue le 13 décembre au ministère de l’intérieur, est prête au dialogue, assure l’un de ses responsables, Tarik Mouadane. C’est un début.

 

Antoine Menusier

Antoine Menusier

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