Il est 21 heures mercredi, lorsque deux voitures s’enflamment dans le quartier de la ZAC de Villiers-le-Bel. Immédiatement, des CRS et des membres du GIPN déferlent sur les lieux, sortent en rang serrés de leurs véhicules, casqués et armés de matraques. Ils vont parcourir toute la cité pendant près de 30 minutes, apparemment sans procéder à aucune interpellation. Ils quitteront ensuite les lieux et disparaîtront. Ne restent au sein de la ville que quelques fourgons positionnés aux points stratégiques.

Un calme – tout relatif – est rétabli, mais une tension – très palpable – demeure :  désagréable impression de ville assiégée. La coupure est réelle entre les hommes en uniformes et la jeunesse de Villiers-le-Bel, alors qu’on s’achemine, paraît-il, vers la restauration de la police de proximité. Il faudra du temps avant que la confiance revienne.

Les jeunes de la ZAC et de la Cerisaie se sentent humiliés, ils ont l’impression de subir une injustice. Ils ne comprennent pas pourquoi l’enquête sur la mort de Laramy et Moushin est au point mort. Si elle ne l’est pas, rien, en tout cas, ne permet de dire qu’elle avance. Le procureur de Pontoise, qui aime décidément les médias lorsqu’il s’agit de communiquer sur les infractions commises par les jeunes de Villiers-le-Bel lors des émeutes de novembre dernier, mais qui refuse de dire un mot sur les circonstances de l’accident qui a coûté la vie aux deux adolescents.

Le sentiment d’humiliation est monté d’un cran avec la médiatisation à outrance de la descente massive de police, lundi. Des journalistes étaient présents lors de certaines arrestations, comme l’attestent les images dégradantes parues dans Paris Match. Les jeunes mettent en doute les interpellations, qui sont selon eux basées uniquement sur des témoignages et non sur des preuves tangibles

Ils sont choqués en particulier par l’arrestation de deux frères, âgés de prés de trente ans, pères de famille travaillant tous les deux, l’un étant animateur. Deux personnes appréciées par tous les habitants du quartier. Certes ils ont un casier judiciaire, mais selon nos informations, ils se sont rangés depuis plusieurs années.

Le frère aîné de ces deux gardés-à-vue, bouleversé, affirme, s’appuyant sur les dires de l’avocat chargé de leur défense, qu’ils sont soupçonnés d’avoir participé aux émeutes de novembre. Ils seront vraisemblablement présentés ce jeudi devant le juge d’instruction, qui décidera de la suite à donner à leur cas.

La justice, garante de l’Etat de droit, doit être rendue. Elle doit être la même pour tous et comprise par tous, afin d’être acceptée. S’il y a lieu, elle doit punir, mais sans humiliation, et permettre la réparation des préjudices. Mais elle doit aussi aider à la réinsertion de celui qui accomplit sa peine. Elle ne doit surtout pas favoriser un groupe par rapport à un autre, ne pas être une justice spectacle qui se met au service d’un gouvernement en perte de popularité.

A Villiers-le-Bel, les jeunes ont le sentiment que la justice a dérogé à cette règle.

Chaker Nouri

Chaker Nouri

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