Ce soir-là, le RC Blanqui est au Gazi, le nom d’un ex-maire donné à ce centre sportif de Bondy, qu’on appelait aussi le Tournesol, à cause de sa piscine couverte d’une grande coupole blanche à hublots. La nuit, l’édifice ressemble à une soucoupe volante posée derrière les buts. Un ovni. Ce qui n’est pas clairement identifié non plus, c’est l’équipe adverse, un groupe de copains en jaune fluo qui a proposé cette rencontre aux bleus et qui s’échauffe déjà. Il doit être 20h30, une demi-heure de retard pour le coup d’envoi. Pas grave, les joueurs de Blanqui arrivent en ordre dispersé, toujours un bon mot à la bouche pour le « nouveau » de L’Hebdo. « Allez la Suisse! », « Putain, ce soir j’ai envie de fout’ le feu! » et un autre, un peu plus tard: « Vous avez vu? Ils ont brûlé un train! » Il prend un petit trot et se retourne « noooon je blaaaague… ». J’y avais presque cru.

Un autre entre sur le terrain stabilisé (terre) et me glisse accoudé à la barrière: « J’ai un truc à dire à la presse. Si les gars du Nord foutaient pas la merde au Sud, les gens viendraient pas ici ».

– Mais toi t’es Français, non?

– Non malheureusement

– Malheureusement?

– enfin (il sourit) heureusement, je sais pas.

Notre ami est Marocain.

Un autre arrive en survêtement et une clope aux doigts. « ‘çui-là y va cracher ses poumons » commente l’entraîneur. Il fait un froid de canard.

Arrive Reda, 25 ans, indéniablement le meilleur joueur de l’équipe (lire le portrait de Sabine Pirolt en novembre). « Celui-là, il peut devenir un super-bon! » s’accorde les responsables du RC Blanqui. « Je pouvais. Maintenant c’est trop tard », rectifie Reda en aparté. Mais il faut le voir danser avec le ballon!

Debout sur la petite estrade, Alain Baudron (à gauche sur l’image à côté de Mohammed), coordinateur des sites sportifs de Bondy, ne perd pas une miette du match. Il parle peu et semble distant. Un petit black de 12 ou 13 ans vient s’asseoir sur le banc, il a une bonne bouille, tout le monde l’aime bien. « Celui-là c’est une teigne » dit Baudron en lui lançant un méga sourire.

– En fait, vous les aimez bien, hein?

– (dans un murmure) ouiiiii…. Passé ce moment d’émotion, il ajoute: « Tant qu’ils se comportent bien et qu’ils me laissent les vestiaires propres ».

– Vous venez à tous les matchs?

– Oui

Hakim, qui passe par là, n’a pas vu Alain. « Hé Hakim! tu dis plus bonjour? » Sincèrement gêné, Hakim monte lui serrer la main et lui présenter ses vœux pour lui et toute la famille. La France fraternelle est bien là ce soir, par 5 degrés au-dessous de zéro et un ciel de nuit orangé par la lumière des réverbères.

Malheureusement, le RC Blanqui a pris la pâtée. En sifflant une minute plus tôt, on en restait à 3-0.

Pas grave, chaque équipe félicite l’autre « pour les jaunes hip hip! », « pour les bleus, hip hip! »

 

 

Par Michel Beuret

Michel Beuret

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