C’est marrant un agenda de ministre. Encore plus celui de premier ministre et encore plus celui de Manuel Valls. Un jour on peut se retrouver à défendre la déchéance de nationalité et ainsi rendre légalement possible l’existence d’une inégalité entre binationaux et non-binationaux et lendemain être tout heureux de venir inaugurer la gare « Rosa Parks », et parler égalité.
C’est sans doute son amour des symboles qui a poussé Manuel Valls à venir inaugurer cette gare dont le nom a été choisi à la suite d’une consultation publique des habitants du quartier. Sur la déchéance de nationalité, Manuel Valls nous parlait déjà de l’importance des symboles pour justifier une mesure inutile pour beaucoup si ce n’est pour tous. Le fait pour lui d’évoquer un apartheid social au lendemain des attentats de janvier relève également d’un geste symbolique. Cette déclaration n’a donné lieu qu’à d’adorables batailles sémantiques et non à des mesures fortes en direction des populations victimes de cet apartheid. Et si on connaît les victimes, en revanche, on attend encore de savoir qui sont les responsables de cet apartheid…
Mais bon les symboles c’est important et Rosa Parks en est un. Mais c’est un symbole lointain, connu qu’en surface et qui du coup nous va bien. C’est un symbole connu en surface d’abord parce que dans les livres d’histoire on nous dit que Rosa Parks est une gentille couturière qui un jour, décide de prendre place à l’avant du bus réservé aux blancs et refuse de changer de place lorsqu’on lui demande. Ce refus va être à l’origine du mouvement pour les droits civiques mené par Martin Luther King.
Ce que l’on dit moins en revanche, c’est que ce geste de Rosa Parks a été pensé, réfléchi par toute une communauté d’activistes luttant contre la ségrégation dans les transports publics et que le profil « bien sous tous rapports » de Rosa Parks a permis d’aller jusque devant la Cour Suprême. Avant elle, Claudette Colvin, une jeune fille de 15 ans avait fait la même chose, mais on ne jugea pas son profil idéal pour mener le combat par rapport à l’opinion publique car à la même période elle tomba enceinte hors mariage. Finalement, on ne retient qu’un nom alors qu’il s’agit d’une lutte collective.
J’ai fait un rêve
Ensuite c’est un symbole lointain, autant temporellement que géographiquement. S’il y a des hommages à rendre, des symboles à mettre en avant, pensons français, choisissons des symboles qui veulent dire de vraies choses pour nous. Utilisons des symboles pour envoyer des signaux, des vrais. Manuel Valls aurait pu inaugurer une gare « Malik Oussekine », « Abdenbi Guemiah » ou « Abdel Benyahia » pour ne citer qu’eux.
Enfin, cette inauguration durant laquelle, par la figure de Rosa Parks on rappelle notre attachement à l’égalité laisse un petit goût amer et fait traîner un parfum d’ironie lorsqu’on connaît le climat en France et qu’on a pris connaissance du rapport du Défenseur des droits publié ces derniers jours qui fait la liste de toutes les entorses au principe d’égalité. Cela va de l’absence d’instituteurs dans certaines villes de Seine-Saint-Denis, à l’interdiction municipale de donner une sépulture à un nourrisson rom de deux mois. A noter que le nombre de réclamations traitées par le Défenseur des droits a augmenté de 8,3%.
Manuel Valls aime les discours, surtout les siens d’ailleurs, il en a même fait un livre. Mais pour ne parler que de ça, c’est vrai que l’égalité est un joli mot qui roule sous la langue et pour lequel beaucoup d’hommes et de femmes se sont battus. J’ai fait un rêve : qu’un jour Manuel Valls fasse partie de ceux-là.
Latifa Oulkhouir

Rosa Parks et la République des symboles
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