Le soleil a su percer des nuages pleuviotants ce samedi 9 juin à Saint-Denis alors que plus d’un millier de manifestants se réunissaient pour la première marche des fiertés des banlieues de France. On trouvait à la marche des Dionysiens, des banlieusards, Parisiens, des migrants et des métropolitains, luttant tous aux côtés des associations LGBTI+ traditionnelles contre les LGBTI+phobies et l’instrumentalisation raciste de ces identités contre les banlieues.

Le cortège part en trombe, pas de musique mais des slogans entonnés dénonçant en bloc les politiques expulsant les migrants séropositifs, le traitement politique de l’assassinat de Vanesa Campos, du contrôle médical, judiciaire et législatif sur les corps des personnes trans. En milieu de parcours, on s’arrête pour une minute de silence pour « les victimes du racisme cette année », une autre première lors d’une fierté.

« La banlieue la plus dangereuse, c’est le gouvernement français ! », tonne la représentante d’Acceptess-Transgenre. La fierté des banlieues rassemble des personnes que l’on ne retrouve pas toujours dans la fierté intra-muros. Emma, habitante de Saint-Denis, féministe et hétéro était là pour « soutenir la cause ! » Elle est comme nous, surprise par le nombre incroyables de journalistes présents, qui pour elle atteste de la « crispation autour des mots banlieues et pride (fierté, ndlr). »

Diakité, demandeur d’asile, est venu profiter de la liberté

Il était important d’être ici pour Samuel, 30 ans de Barbès, qui « ne se reconnaît pas dans la pride de Paris (intra-muros), qui ne représente pas (son) quartier politisé, où (ils ne sont) pas tous des actifs blancs et riches. » Pour Diakité, 34 ans, Ivoirien habitant dans le 94, c’était sa première pride. Il est demandeur d’asile et profite de la « liberté de s’exprimer. » Il fait partie d’ARDHIS, une association qui défile dans le cortège et qui vient en aide aux migrants LGBTI+ dans leurs démarches et les accompagne.

La marche était organisée par l’association Saint-Denis Ville au Coeur, une organisation locale créée par des étudiants de Paris 8 cherchant à « améliorer la qualité de vie de Saint-Denis, valoriser son patrimoine culturel et aussi et surtout déconstruire tous les discours de stigmatisation qui pèsent sur les quartiers populaires et Saint-Denis plus spécifiquement » d’après Youssef Belghmaidi, membre de l’association. L’objectif de cette fierté pour Youssef, elle-même étudiante marocaine sur visa (Youssef utilise le pronom elle), est de « montrer d’autres façons d’être LGBTQI+, d’être au monde sans tomber dans la machine infernale qui conditionne nos identités quand on arrive en France ou qu’on est français et qu’on habite en banlieue populaire. »

Sur le parvis de la basilique Saint-Denis, les associations se succèdent pour dénoncer les LGBTphobies, leur instrumentalisation pour stigmatiser les banlieues et réaffirmer la présence des personnes LGBTI+ en banlieue. À ces revendications est couplée une attaque du démantèlement du service public, de l’accès au logement, des violences policières, qui touchent particulièrement les personnes LGBTI+ des banlieues et racisées.

On en a marre de cette loi du silence !

Une représentante des femmes en luttes du 93 tonne : « On ne veut plus que nos corps, nos désirs, nos familles, nos enfants soient illégitimes. Partout où nous allons nous sommes une marge parmi la marge, de l’état aux collectifs militants. Nos revendications sont illégitimes, ne sont pas nommées ou pire : on nous demande de nous taire, sous prétexte que l’Etat se servirait de nous pour stigmatiser les quartiers populaires. On en a marre de cette loi du silence ! »

En 1969, lors d’un habituel raid policier au Stonewall Inn à New York, Marsha P. Johnson, une femme noire trans et Sylvia Rivera, une femme latina trans, résistent et se battent, provoquant une insurrection sur plusieurs jours contre les violences policières contre la communauté LGBT. 50 ans plus tard, la marche des fiertés en banlieues honore leur mémoire et leur héritage en réaffirmant la solidarité contre les violences LGBTphobes et la violence d’Etat, le traitement des personnes migrantes et le racisme comme évidentes et indissociables.

Arno PEDRAM

Crédit photo : Héléna BERKAOUI / BB

Une petite fille en marge de la minute de silence

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