Dans le cadre de la semaine anti-coloniale organisée du 17 au 25 février, le collectif de l’UNADE et l’association Gennevilliers pour tous ont organisé, ce dimanche 18 février à proximité du chantier, une inauguration officieuse de la future station de métro de la ligne 13. Le vœu des militants associatifs est de baptiser cette nouvelle station du nom de « 17 octobre 1961 ». Des représentants de l’association du CRAN, de la LCR (présence d’Alain Krivine), du mouvement Anticolonial, ainsi qu’une centaine de personnes anonymes ont répondu présents. Parmi eux Mourad Slimani : « dans les quartiers, il y a une demande d’égalité qui passe par la reconnaissance et la dignité, ce sont deux conditions essentielles pour une égalité pleine et entière. Or à Gennevilliers et à Asnières, deux villes où se construit cette station de métro, il n’y a rien pour rappeler ce qui s’est passé le 17 octobre 1961, c’est une histoire qui est encore cachée, occultée. Aujourd’hui, on porte cette mémoire au grand jour, parce que nous avons une exigence de reconnaissance, parce que nous voulons construire une société qui soit vraiment égalitaire. On n’est pas là pour parler du passé, on est surtout là pour préparer le présent et le futur, une mémoire apaisée et réconciliée pour nos enfants ».

Le 17 octobre 1961, une date fantôme de l’histoire de France, un passé trouble qui est encore camouflé aujourd’hui. C’est justement pour mettre la lumière sur cette date occultée que l’UNADE a entrepris d’abord auprès de la RATP, puis auprès des élus locaux ce combat pour la reconnaissance du massacre de plusieurs centaines d’algériens il y a 46 ans. Une manière symbolique de faire le premier pas vers ce que la République d’hier et d’aujourd’hui refuse de reconnaître comme un fait réel et historique. Le lieu n’a pas été choisi au hasard puisque, à l’époque, de nombreux immigrés algériens vivant dans les communes d’Asnières et de Gennevilliers ont participé à la manifestation du 17 octobre 1961 contre le couvre-feu instauré par le préfet de police de Paris, Maurice Papon à l’égard de « tous les français musulmans d’Algérie », selon les termes utilisés à l’époque de la guerre d’Algérie. Hasard du calendrier, Maurice Papon a rendu l’âme la veille de cette inauguration, et pour beaucoup, la disparition de l’ancien préfet doit permettre une restauration digne et sincère du passé, pour l’avenir.

C’est précisément le refus de l’Etat français de se réconcilier avec son histoire qui nourrit aujourd’hui ce genre d’initiative. En octobre 2001, le maire de Paris, Bertrand Delanoë inaugurait une plaque commémorative au pont Saint-Michel, non sans hostilités : plusieurs élus locaux et députés protestaient contre l’apposition de cette plaque, notamment Jean Tibéri pour qui la reconnaissance du massacre du 17 octobre constituait une insulte au Général De Gaulle.

Ainsi, le travail de mémoire semble se faire par le bas. Aujourd’hui, on tente de guérir l’amnésie collective par des mises en scène symboliques comme cette inauguration factice d’une station de métro. En somme, faire semblant pour que cela devienne vrai.

Hanane Kaddour

Hanane Kaddour

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