Le carnet rouge est au milieu de la table, dans la pièce commune. C’est un tout petit carnet que Lisa a ramené je ne sais pas d’où. Un jour, je me suis mis à écrire dessus en voyant la photo qui était dessous. C’est une photo noir et blanc que Lisa avait prise près de Bergues. Elle représente ma fille à l’âge d’un an dans les bras de son cousin, à l’âge de vingt ans. Alors, j’avais écrit une phrase sur le carnet à propos de la photo, et régulièrement, les jours suivants, j’ajoutais une autre phrase, ou deux. Et puis au hasard des va-et-vient quotidiens dans la maison, un jour j’ai glissé une pochette rouge, sous le carnet rouge et la photo en noir et blanc qui étaient toujours au milieu de la table. Dans la pochette, il y avait un dessin aux tonalités blanches et vertes, réalisé par Toru, le père d’Etsuko.

J’avais eu ce dessin parce qu’Etsuko venait à l’école primaire où je travaille, pour animer un atelier de calligraphie, et je lui avais dit que j’avais pris son père en photo au Pré du Moulin, pendant l’été 2007. Sur la photo, il est assis dans l’espace vert du Pré, il dessine le château du Grand-Pressigny. Je lui ai demandé si elle avait le dessin que son père dessinait ce jour-là.

Etsuko n’avait pas très bien compris l’endroit, et la semaine suivante elle m’avait apporté un dessin que Toru avait réalisé à l’entrée du village, où on voit le pont sur la Claise. C’est ce dessin, aux tonalités vertes et blanches, qui est actuellement sous le carnet rouge et la photo en noir et blanc. C’est une copie qu’elle voulait me donner, j’étais très content, même si ce n’est pas le dessin dont je parlais. Elle m’a dit qu’elle chercherait le bon dessin et je lui ai dit que je lui montrerais la photo de son père.

Toru avait passé tout l’été 2007 en visite en France avec sa fille. A l’automne il était retourné au Japon et en décembre il avait rendu son âme à Dieu. Elle me l’avait présenté au début de l’été à la Chorale de Barrou, où elle était venue chanter. Par la suite, je n’ai cessé de les voir, en quelques endroits du village, tous les deux ou lui tout seul, assis sur une marche ou sur son tabouret, dessinant. Une fois, il y avait une foire de village au Pré du Moulin, et je m’y promenais pour faire un compte-rendu à la Nouvelle République. Au milieu du Pré, Toru dessinait, alors je l’ai pris en photo.

Pierre Murcia

Pierre Murcia

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