Ce lieu qui constitue le seul lien physique pour les proches et aussi un moment court, mais intense. Il peut être l’occasion de donner illicitement au détenu nourriture, objets de nature diverse et variée… Encore faut-il avoir passé la fouille minutieuse des matons.

Chaque semaine, le rituel est le même. Arrivée obligatoire trente minutes avant l’ouverture des portes. Si on doit remplir le formulaire de dépôt de sac, mieux vaut prévoir dix minutes de plus et si on a prévu de camoufler des choses sur soi, autant venir encore plus tôt. Ne jamais oublier sa pièce d’identité, autrement on se fait recaler. Les sweats à capuche ? Interdits ! Les bouteilles de boisson ou grignotage ? Pareil.  Non, je ne vais pas en boîte de nuit mais rendre visite à un ami dans un centre pénitencier d’Ile-de-France.

Quand on calcule le temps parcouru pour s’y rendre, le temps d’attente avant et après le parloir (trente minutes environ pour l’entrée et aussi pour la sortie) et que tout cela n’est que pour trente minutes de parloir, on a rapidement la haine, surtout  quand on voit que pour un paquet de lingettes pour bébé, le surveillant à l’entrée du sas fait tout un cinéma. Les embrouilles sont fréquentes. Presque à chacune de mes visites. Les surveillants changent souvent et on a nos habitués. Derrière la vitre du sas de contrôle, ils sont là, les yeux fixés sur nous, à nous surveiller comme du bétail.

La moindre bosse suspecte sur nos vêtements est signalée au surveillant présent dans le sas. L’autre fois, ils ont fait signe que je cachais quelque chose sous mon pull mais non ! J’ai été gâtée par dame nature au niveau de ma poitrine et je n’avais absolument rien sur moi mais procédure oblige, j’ai dû retirer mon pull. Heureusement que je portais un débardeur en dessous car les matons derrière la vitre s’attendaient sûrement à voir un soutien-gorge, vu comment ils me fixaient, limite la bave au coin des lèvres…

Cependant leurs suspicions sont fondées. En effet, les rendez-vous toilettes avant de passer le sas de sécurité sont le lieu de camouflage. Sandwich, bonbons, gâteaux, chocolat, Mcdo, KFC, Quick et j’en passe… Tout est sous cellophane, bien aplati et caché sur toutes les parties possibles de notre anatomie : à la taille, entre la poitrine, dans le pantalon, sous la robe ou la jupe et j’en passe… Faut dire qu’à force de manger des plats préparés à la va-vite et presque toujours la même chose, les envies de cochonneries qu’on grignotait dehors se font ressentir.

De plus, n’ayant droit qu’à un colis de 5 kg lors des fêtes de fin d’année, recevoir des petits plaisirs de leur famille, c’est pas courant. Du coup, pendant les trente minutes de parloir, toutes ces denrées sont vite avalées entre deux, trois phrases, en cachette,  pour ne pas se faire attraper. Mais d’autres choses toutes aussi insolites passent pendant ces rendez-vous rapides. Des cartes mémoires de téléphone, des puces téléphoniques, des bracelets à la citronnelle en été pour affronter les moustiques ou encore le classique téléphone portable font partis de cette longue liste d’interdits.

Et pour celui qui se fait attraper avec n’importe quelle chose interdite (nourriture y compris), la suspension de trois semaines du permis de visite est appliquée et en fonction de ce qui a été infiltré, l’annulation totale. Une garde à vue peut aussi suivre après interpellation.

Mais voir que chaque semaine, des mamans accompagnées de leurs enfants subissent cela me fait prendre conscience que la situation est difficile à vivre quand le proche incarcéré est notre mari et que nous avons des enfants avec lui… Souvent, la sortie se fait en crise de larmes des marmots : « je veux rester avec papa ! – Ma chérie, tu le verras la semaine prochaine. » Difficile de calmer son enfant après une visite en cabine qui se referme juste derrière vous… Mais si ces hommes sont derrière ces barreaux, ce n’est pas par pur hasard…

Sonia K.

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