Ils sont à la pointe de la mode parisienne : pantalons slim, col en V, chaussures vernies, longue chevelure avec la fameuse mèche pleine de laque qui recouvre leur front. Presque tous leurs amis sont parisiens, issus le plus souvent de milieux aisés. Mais eux, viennent de la banlieue parisienne. Leurs parents sont parfois Rmistesou au chômage. Il n’empêche, ils sont clinquants, autant qu’un jeune fils de médecin. Dans le quartier, lorsque l’un d’eux passe, il est regardé d’une façon anormale. Comme si un ovni se baladait sur la dalle. Faut dire, le contraste est fort entre ces dandys et les jeans Diesel-baskets Armani.

D’un côté, un style raffiné et carré et de l’autre, la cool attitude. Blaser et chemise blanche dans la cité Pablo Picasso de Bobigny : cela ne me choque guère, bien au contraire. C’est plutôt agréable de voir des jeunes vêtus d’un style différent de celui de tous les jeunes d’ici. Parfois même la cravate : même si c’est seulement pour aller acheter un disque à Virgin, la tenue chic est d’obligation.

Mehdi (le garçon sur la photo) a bien voulu se confier : « Depuis quand as-tu ce look de Parigot ? – Environ deux ans. Quand certains se sont mis à la mode tecktonik, moi, j’ai changé de style au même moment. – Pourquoi ? – Lorsque j’ai eu 17 ans, mes parents m’ont laissé un peu plus de liberté. Pour moi, il n’était plus question de rester en bas de l’immeuble à jouer au foot. Je voulais prendre le métro et voir ce qu’il se passait après la station Gare du Nord. Et je me suis rendu compte que c’est là-bas que je me sentais à l’aise.

» Tu t’y rendais seul ? –Oui seul ! Avec mon Ipod. Je me baladais sur les Champs-Elysées, à Montparnasse, Place Vendôme, Opéra, Chatelet. Bref, en gros, tous les endroits côtés, quoi. – Tu as des amis parisiens ? – Oui, beaucoup ! – Comment les as-tu rencontrés ? – A force d’aller se poser à un endroit, tu y retrouves les habitués. Au final, on fini par se parler, échanger nos numéros, on se revoit et on devient potes ! J’ai ma petite bande à moi. 

» Je suppose que tu vas chez eux ? – Oui, très souvent, d’ailleurs. – Mais est-ce que eux viennent chez toi ? – Non du tout. Ils ne veulent pas venir en banlieue et moi-même, je n’ai pas envie de les ramener dans mon quartier. Ils risqueraient de se faire embêter. Je me fais embêter, alors que je suis un natif du quartier, alors, eux…

» Comment se résume ton quotidien dans le quartier ? – Déjà, j’y suis très peu. Seulement pour y manger, faire mes devoirs et dormir, Sinon, je suis sur Paris. Ici, avec mon look de Parigot, j’entends des remarques stupides du genre « Blanche Neige, enlève ton collant ». Tout ça par ce que je porte un slim. Mais je les ignore tous. Ils n’ont rien dans la tête ! – Et comme on dit, l’indifférence punit l’insolence ! – C’est mon attitude depuis toujours. Leur répondre provoquerait une embrouille. Je ne suis pas comme cela. – Tu as bien raison. – De toute façon je m’habille comme je veux. C’est mon corps que je recouvre de tissus moulants ! Peu importe le look que j’ai, je reste en moi le même. J’ai peut-être l’apparence d’un petit Parigot, mais je me cultive sur ma religion, j’apprends à écrire l’arabe et prends également des cours de chinois.

» Pourquoi cet intérêt pour l’islam ? – Je veux m’instruire sur l’histoire de ma religion. Notamment vis-à-vis de mes parents pieux. Ma mère est voilée. Elle a 51 ans. Je veux qu’une fois à table, je puisse participer aux conversations religieuses. Moi aussi, je me sens musulman, je suis né musulman. Je pratique le ramadan. Et je fais la prière quand mon frère me demande de la faire avec lui. Le minimum, c’est de savoir ce que l’on récite lorsqu’on prit. Ce n’est pas d’apprendre des sourates bêtement.

» Quand tu es à Paris avec tes amis, tu enfreins des interdits religieux, parfois ? Hum… (il rit) Oui ! – C’est-à-dire ? Tu bois de l’alcool ? – Oui ! Comment refuser un bon petit verre lorsqu’on se retrouve entre amis ? – Et le champagne, tu en bois ? Il n’y a pas plus parigot que le champ’… – Oui, c’est clair. Je bois au minimum une coupe par week-end. C’est notre manière à nous de fêter la semaine écoulée. Et on le fait avec LA boisson parisienne ! »

Mehdi attend d’avoir un diplôme, au minimum un bac+2, pour partir définitivement de sa cité. « Je deviendrai Mehdi, le vrai Parigot ! » Il est 21 heures, l’heure, pour lui, de rentrer manger son Ebly devant le prime de la « Nouvelle Star »…

Inès El laboudy

Inès El laboudy

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