Né en 85 avant J-C, je viens d’avoir 50 ans cette année et je suis certainement le plus célèbre des Gaulois… Qui suis-je ? Il faut aller à Bobigny à partir de ce jeudi pour y trouver la réponse. Pourquoi Bobigny ? Parce que j’y suis né. Et oui, Astérix, puisqu’il s’agit bien de lui, est sorti de l’imagination de son dessinateur Albert Uderzo et de son scénariste, René Goscinny, dans cette ville.

Nous sommes en août 1959, Uderzo, habitant de la nouvelle cité du Pont de Pierre, reçoit Goscinny. Il fait chaud, le pastis peine à rafraîchir l’imagination des deux compères qui se sont vu confier la mission de créer un magazine de bande dessinée, Pilote, dont le premier numéro est prévu en octobre de cette année-là. Pilote doit s’imposer dans un univers francophone occupé par la BD belge. Le Journal de Tintin paraît pour la première fois en 1946, le public connaît déjà Spirou, Blake et Mortimer, Gaston Lagaffe…

Uderzo et Goscinny cherchent donc une idée de série, la préhistoire et le Moyen Age sont déjà pris, alors leur vient à l’esprit la Gaule avec ses tribus, ses chefs, bardes, druides. Uderzo qui a connu les Côtes d’Armor pendant la guerre implante l’histoire en Armorique, cela permettra au héros de voyager rapidement.

« Jusque-là, affirme Didier Pasamonik, journaliste, auteur spécialiste de la BD, la bande dessinée était plutôt réservée aux enfants, assez anodine et sans signification. Avec Astérix la BD est entrée dans l’âge adulte, elle est devenue une œuvre faite par des auteurs et constitue la première grande œuvre post-moderne de la bande dessinée francophone. Astérix est un mythe, une œuvre intemporelle et universelle. Les albums constituent un véritable travail de déconstruction non seulement de l’histoire mais aussi des représentations de la société. »

Pour Didier Pasamonik, Astérix va même plus loin, il a contribué « à sacrifier le mythe de la résistance en France, qui commençait même à peser à De Gaulle, parce, dans Astérix, c’est une résistance sans combat (hormis les baffes que reçoivent les Romains), sans menaces et sans morts. » Pour l’anecdote, De Gaulle aurait lors d’un conseil des ministres  appelé tous ses ministres par les noms des personages du village gaulois : Agécanonix, Cétaumatix, Ordralfabétix…; tous auraient répondu présents, se reconnaissant dans ces sobriquets.

Les aventures d’Astérix méritaient bien une journée spéciale et une exposition qui s’ouvre à Bobigny ce jeudi 15 octobre. Astérix, c’est 325 millions d’albums vendus à ce jour, traduits en 107 langues et dialectes, 14 millions d’entrées pour le dernier film, près de 2 millions de visiteurs en 2008 dans le parc d’attraction du même nom. Un véritable empire à la romaine.

Ironie du sort, Astérix pur produit gaulois, mètre étalon de la « francitude », est le fruit de l’imagination de fils d’immigrés, l’un italien et l’autre juif polonais, Goscinny, qui a passé son enfance en Argentine puis à New York dans l’après-guerre. S’il n’a pas trouvé sa voie outre-Atlantique, il s’est en revanche imbibé de l’atmosphère des comics, avec Superman, Captain America, Mad Magazine. Astérix n’est-il pas un super héros invincible et protecteur de l’opprimé contre l’envahisseur romain ?

Mais le plus étonnant dans toute cette aventure reste la découverte en 2002 de la plus grande nécropole gauloise en Europe… à 500 mètres du trois pièces d’Uderzo, totalement ignoré en 1959. Ces fouilles sur le site de l’hôpital d’Avicenne, à Bobigny, ont mis au jour un énorme site d’artisans gaulois. Les Gaulois excellaient dans l’artisanat, « nous leur devons, affirme Yves le Béchennec, archéologue, près de la moitié de l’outillage à main actuel ». De nombreux objets ont été retrouvés sur le site, dont 240 000 ossements d’animaux mais parmi eux, aucune trace de sanglier. Les Gaulois ne mangeaient pas de sanglier, mais du cochon, du bœuf et du chien. Si Idéfix avait été un dog argentin il aurait certainement fini dans l’estomac de son maître.

Qu’importe, les Gaulois ne taillaient pas de menhirs non plus. « Il n’y a pas d’erreurs archéologiques, poursuit Yves Le Béchennec. Ni Goscinny ni Uderzo n’ont revendiqué être historiens, c’est justement en cela qu’Astérix est intéressant, c’est une mise en évidence d’erreurs que tout le monde croit être des vérités. En cela, c’est un modèle tout à fait utile, en tout cas, il a été fondateur pour toute une génération d’archéologues. »

Quant au casque ailé du petit Gaulois, il s’agit d’une erreur (encore une) d’interprétation du sculpteur Bartholdi (auteur de la statue de la Liberté), qui au moment de réaliser la statue de Vercingétorix à Clermont-Ferrand en 1903, interprète un casque se refermant sur les joues comme des petites ailes, alors que les casques gaulois sont ceux qu’Obélix collectionne après avoir castagné les Romains.

Par Toutatis ! Astérix né à Bobigny, créé par deux Français issus de l’immigration, dans une cité HLM : le ciel risque de tomber sur la tête des Gaulois de souche.

Adrien Chauvin

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