La Seine-Saint-Denis, département défavorisé qui n’arrive pas à attirer suffisamment d’enseignants, connaît cette année l’une de ses pires rentrées scolaires. Le mois dernier la FCPE 93 avait manifesté devant l’inspection académique de Bobigny pour réclamer « un plan d’urgence ». Il manquerait près de 450 enseignants en primaire dans le département. Pôle Emploi avait même commencé une campagne de recrutement par téléphone.

En visite à Bondy, la ministre de l’Education nationale a promis une série de mesures. Parmi elles, la création de 500 postes supplémentaires, l’ouverture d’un concours spécifique pour le département, la réorganisation des services administratifs afin d’obtenir une plus grande réactivité… Réactions de syndicats et profs du 93.

Isabelle Guigon, secrétaire départementale de l’UNSA 93 (Union nationale des syndicats autonomes) :

« Il y avait urgence à traiter de façon spécifique un département qui se caractérise par une situation scolaire hors-norme par rapport au reste du territoire. Les annonces de la ministre répondent partiellement aux propositions faites par le SEUnsa 93 et l’Unsa Education 93 le 7 novembre. Elles vont dans le bon sens mais ça ne va pas assez loin. Deux problématiques persistent, celle de la gestion des ressources humaines. Concrètement, comment donner envie aux professeurs de venir en Seine-Saint-Denis et comment les garder. Les jeunes viennent souvent de province et découvrent les prix très élevés des loyers qu’il peut y avoir dans le département. C’est pourquoi une aide au logement peut constituer un levier très efficace qui les inciterait à rester en Seine-Saint-Denis. Le nord-ouest du département est très peu attrayant. Il faudrait proposer des mesures attractives concernant le déroulement de carrière, proposer différentes indemnités… Deuxième problème : le manque d’agents administratifs. Il faut créer des postes dans l’administration. Une preuve récente qu’il manque du personnel, ce sont les problèmes liés aux salaires qui ont tardé à être versés aux stagiaires et aux contractuels.

Pour la grande majorité des contractuels, le problème est en cours de règlement. S’il y avait eu suffisamment d’agents et s’ils avaient demandé les dossiers d’inscription plus tôt, ce problème ne se serait pas posé. L’administration est débordée, surchargée. Ce qui manque aussi, ce sont des mesures qui permettraient de stabiliser une équipe d’enseignants. Le turn-over en Seine-Saint-Denis est très élevé. Une école qui fonctionne est une école où l’équipe y est stable. Dans le premier degré, 2700 demandes sont formulées chaque année par des professeurs qui veulent quitter le 93, ce qui représente un enseignant sur 3. Il faut aussi et surtout créer des postes de remplaçants. La ministre promet aussi plus de REP (réseau d’éducation prioritaire). Ces mesures prennent clairement en compte la particularité du territoire. Le 93 est un département à part. Il faut donc prendre des mesures en conséquence. Nous sommes donc plutôt satisfaits par l’annonce de ces mesures mais nous estimons qu’elles sont insuffisantes. La réactivité de la ministre sur ces problèmes souligne une volonté de sa part de dialoguer avec les syndicats. Nous avons le sentiment d’être entendu, d’être écouté et pris en considération ».

Rodrigo Amenas Munoz, président de la FCPE 93 (Fédération des conseils des parents d’élèves)

« Il y a encore du boulot ! Les 500 postes qui vont être créés concernent le premier degré. Il manque tout un plan pour le secondaire. On demande par exemple qu’il y ait une évaluation en cours d’année au lycée pour mesurer le niveau des élèves et proposer des cours supplémentaires à ceux qui n’auraient pas le niveau suffisant. L’école en Seine-Saint-Denis était agonisante, elle ne répondait plus au principe républicain. Aujourd’hui on réinvente une nouvelle école, le 93 est une terre d’innovation formidable. En tant que parents, on veut le meilleur, les meilleurs professeurs, un enseignement de qualité dans un environnement stable. Les mesures de la ministre vont dans le bon sens mais sont loin de répondre à toutes les problématiques présentes sur le territoire de Seine-Saint-Denis. Il faut donner encore plus de moyens ».

Laurent Economidès, professeur de SVT au lycée Suger de Saint-Denis :

« Je ne comprends pas très bien la cohérence de ces mesures. Comme la proposition n°7 de Najat Vallaut-Belkacem qui consiste à créer à partir de 2016 un concours spécifique pour « encourager les contractuels à devenir enseignants ». Est-ce qu’il s’agira d’engager les candidats malheureux du concours classique ? Je pense toutefois que le fait de créer des postes est déjà un bon début ».

Propos recueillis par Leila Khouiel

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