À Paris, entre 7 000 et 7 500 personnes -selon la préfecture de police- ont marché dimanche 19 mars « pour la justice et la dignité » et contre les violences policières. Une douzaine de familles de victimes sont à l’initiative de cette manifestation, relayée par plusieurs personnalités (Kery James, Rokhaya Diallo…).

Amine Bentounsi, Rémi Fraisse, Ali Ziri, Lamine Dieng, Adama Traoré… Treize noms et treize visages dessinés sur une banderole et des milliers de personnes qui marchent derrière. Ils ont en commun d’être mort à la suite d’une intervention de police. Près d’un mois et demain après le viol du jeune Théo lors de son interpellation brutale par des membres de la BST (Brigade spécialisée de terrain) à Aulnay-sous-Bois, entre 7 000 et 7 500 personnes (chiffres de la préfecture) ont manifesté à Paris dimanche à l’appel d’une douzaine de familles de victimes. Une marche pour la justice et la dignité.

Les manifestants ont quitté dimanche en début d’après-midi la place de la Nation en direction de celle de la République, encadrés par un important dispostif policier. Parmi eux, Barbara, étudiante de 21 ans, venue spécialement de Strasbourg. « Je connais plein de personnes qui ont subi des violences policières, dont mon frère et ce n’est pas normal d’avoir peur aujourd’hui quand on croise des policiers, explique-t-elle. Je sais que je ne suis pas la plus légitime pour manifester contre ça parce que je suis une fille blanche et qu’il y a peu de chances que je subisse un contrôle de police mais c’était important pour moi de dénoncer les bavures policières ».

« Zyed, Bouna, Théo et Adama, on n’oublie pas, on ne pardonne pas »

Dans le cortège flottaient des drapeaux de partis et organisations politiques (Lutte Ouvrière, NPA, Front de Gauche…), associations, collectifs de quartiers, organisations syndicales ou encore mouvements LGBT. Parmi les slogans les plus scandés : « Zyed, Bouna, Théo et Adama, on n’oublie pas, on ne pardonne pas », « Pas de justice, pas de paix », « Police partout, justice nulle part », « Urgence, urgence, la police assassine en toute impunité ».

Amal Bentounsi, soeur d’Amine Bentounsi, à la marche pour la justice et la dignité, Paris, dimanche 19 mars.

Tour à tour, des proches des victimes de violences policières se succèdent au micro afin d’expliquer à la foule les conditions dans lesquelles sont morts leurs fils, leur frère, leur ami, leur cousin. Parmi ces proches, Amal Bentounsi, qui a fondé le collectif « Urgence notre police assassine », après que son frère Amine a été tué par un policier d’une balle dans le dos, en 2012, à Noisy-le-Sec, par un policier, condamné en appel à cinq ans de prison avec sursis début mars. « L’objectif est de dire stop à l’impunité. Les violences policières ne sont pas des cas isolés », lance-t-elle.

Après chaque témoignage, Omar Slaouti, militant antiraciste, lâche « Pas de justice, pas de paix ! », immédiatement repris en chœur par les manifestants. « Nous réclamons que les policiers ne soient pas au-dessus des lois. Nous en avons marre de ces mascarades de justice », dénonce à son tour Ramata Dieng, la sœur de Lamine, mort dans un fourgon au cours d’une intervention policière, le 17 juin 2007. Viennent ensuite le frère d’Abdoulaye Camara, tué de 26 balles en 2014, puis la famille de Jonathan Ngo Koumba, retrouvé mort carbonisé dans un foyer dans l’Orne et dont les circonstances de la disparition ne sont, à ce jour, toujours pas établies.

« Dès que tu n’as pas une bonne tête ou que t’as un look différent ça devient tendu avec la police »

Des manifestantes à la marche pour la justice et la dignité, Paris, dimanche 19 mars.

En filigrane des témoignages de concernés ou d’anonymes, originaires de la capitale ou de province, c’est une année marquée par des violences policières qui se dévoile : les manifestations contre la loi travail, la mort d’Adama Traoré, l’état d’urgence, le viol de Théodore… « Dès que tu n’as pas une bonne tête ou que t’as un look différent, ça devient tendu avec la police », résume Ophélie, Parisienne de 29 ans.

Parti de la place de la Nation à 14h, le cortège s’est rendu place de la République, pour assister à un concert de 18h à minuit. Mis à part quelques incidents en fin de cortège où se trouvaient plusieurs personnes portant capuches, cache-nez et lunettes noires, brandissant des drapeaux anarchistes, la manifestation s’est déroulée dans un esprit familial. C’est la deuxième fois qu’une telle marche, à l’initiative des familles de victimes, est organisée dans la capitale. Le premier rassemblement contre les violences policières avait rassemblé en octobre 2015 entre 3 500 et 10 000 personnes selon les sources. C’était exactement dix ans après les grandes révoltes en banlieue parisienne consécutives à la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, deux adolescents de 17 et 15 ans décédés dans un transformateur électrique alors qu’ils tentaient de fuir la police à Clichy-sous-Bois.

Certains, comme l’élu de Saint-Denis Madjid Messaoudene, espèrent déjà que ce type d’évènement se produira à nouveau. « Aujourd’hui, on est nombreux, sans doute parce qu’on est en période électorale mais à l’avenir il faudra organiser d’autres manifestations parce que les quartiers populaires doivent se faire entendre, c’est un problème qui nous touche tous ».

Félix MUBENGA

Crédit photo : Mohammed BENSABER

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