Nous sommes le 26 octobre 2017 et un grand nombre d’étudiants n’ont pas encore reçu leur bourse. Vendredi 20 octobre, nous avons publié, sur le Bondy Blog, des témoignages de jeunes étudiants concernés. Ils y racontent comment ils tentent de joindre les deux bouts malgré tout, leur honte aussi qui les pousse à ne pas informer leurs parents, leur angoisse d’être expulsés faute d’avoir pu payer leurs loyers à temps…

Suite à cet article, le Crous de Créteil nous a contactés, surpris de découvrir autant de cas d’étudiants toujours en attente de leurs bourses. Les cas pourtant étaient bien vérifiés et concrets. Le Crous de Créteil nous a alors « mis au défi » de leur envoyer d’autres cas similaires. Nous l’avons pris au mot et lancé, dans la foulée, un appel à témoignages

Urgence sociale d’étudiants boursiers : des témoignages inquiétants

En trois jours, nous avons reçu une soixantaine de mails d’étudiants en détresse, des messages parfois inquiétants comme celui de Noëlie : « La bourse commence à devenir une urgence étant en formation d’art je dois faire des dépenses importantes… Mon emploi du temps ne me permet pas de travailler et mon père refuse de m’aider financièrement, ma mère prend donc tout à charge mais ne pourra pas continuer ». Voire alarmants comme celui de Guillaume. »Je suis à découvert, je n’ai plus de possibilité de retirer de l’argent, ai emprunté de l’argent à mes amis« . 

 

Data, tableau excel, enquête et vérifications des informations des étudiants

Il a fallu répondre à chacun d’entre eux, traiter chaque cas de manière individuelle : vérifier les notifications de bourse, les rattachements à l’académie de Créteil, demander des précisions. Noms, prénoms, numéros INE, précisions sur le type de notifications reçues, toutes ces informations ont été récupérées et ordonnées dans un magnifique tableau excel !

Comme nous nous y étions engagés, lundi 23 octobre, nous avons envoyé une première liste à notre interlocuteur direct du Crous de Créteil. Nous avons renouvelé l’opération mardi avec une deuxième liste d’étudiants, puis une troisième fois mercredi. Des envois quotidiens pour un traitement en urgence des demandes car la situation de certains étudiants nous a inquiétés et continue d’ailleurs à nous inquiéter jusqu’à l’arrivée de leurs bourses sur leurs comptes bancaires. 

Pour quelles raisons le versement des bourses a pris du retard ?

Mercredi 25 octobre, le Crous de Créteil nous contacte de nouveau : ils ont bien reçu tous nos tableaux. Pendant près de 20 minutes, le responsables du centre, Mohamed Hadad, nous explique les raisons qui expliquent que les étudiants n’ont pas reçu leurs bourses.

Certains ne se seraient pas inscrits suffisamment tôt à l’université, indique-t-il. Si l’étudiant s’est inscrit à l’université au-delà du 25 septembre, « il a forcément loupé le dernier train de paiement du mois de septembre ». Ainsi Mohamed Hadad nous apprend que durant le mois de septembre, « chaque semaine, des virements de bourse sont effectués mais passé le 25 septembre, ces virements deviennent mensuels« . Problème : dans certaines universités, les inscriptions administratives continuent bien après cette date. C’est le cas à l’Université de Paris VIII, Saint-Denis, par exemple, celle où j’étudie, où cette année les inscriptions étaient possibles jusqu’au 29 septembre. 

Autre explication : les virements du Crous ne sont possibles qu’après la réception du certificat de scolarité de l’étudiant. Dans la plupart des cas, cette étape n’est plus du ressort de l’étudiant : les établissements se chargent d’assurer ce suivi avec le Crous. Seulement, cela n’a pas été réalisé de manière très rigoureuse : des remontées informatiques n’ont pas été du tout été effectuées. C’est ce qui est arrivé à Assia* qui témoignait la semaine dernière sur le Bondy Blog. Son école n’aurait pas renvoyé son dossier au Crous. Pas de certificat de scolarité reçu par le Crous, pas de preuve que l’étudiant est bien scolarisé, pas de paiement de bourse.

Enfin, une autre source du Crous de Créteil nous fait savoir qu' »un problème technique » a aussi ralenti les choses, côté Crous cette fois. Nous avons cherché à en savoir plus, en vain.

« Nous avons mis en paiement les bourses de 85% des étudiants que vous nous avez signalés »

Finalement, mercredi 25 octobre, les agents du Crous ont appelé, un par un, les étudiants boursiers dont nous leur avions signalés les cas. « Nous avons mis en paiement les bourses de 85% des étudiants que vous nous avez signalés », nous assure Mohamed Hadad. Le reste sera fait bientôt, nous assure-t-on.

Les étudiants boursiers concernés nous envoient de magnifiques mails ou nous répondent sur Twitter pour nous remercier comme cette étudiante.

Et qu’en est-il des boursiers qui ne dépendent pas du Crous Créteil mais qui, eux non plus, n’ont toujours pas reçu leur bourse ? Comment contacter son Crous alors que les lignes téléphoniques sont constamment occupées ? Nous avons posé la question à Mohamed Hadad. Le responsable du Crous de Créteil conseille d’abord de « se déplacer dans son Crous de référence. Nous sommes à une période de l’année où il n’y a plus tellement d’attente« . La présence aux cours étant obligatoire pour prétendre à la bourse, comment faire lorsque notre emploi du temps scolaire ne correspond pas aux heures d’ouverture du Crous ? « Nous donnons un justificatif d’absence à l’étudiant s’ils s’absente pour venir régler sa situation », assure-t-il.

Reste que des étudiants sont à découvert et doivent, en attendant le versement de leurs bourses, avancer certains frais urgents. « Une bourse annuelle d’urgence existe avec un budget pour chaque Crous, explique Mohamed Hadad. Nous demandons aux étudiants boursiers en situation d’urgence de prendre rendez-vous avec l’assistante sociale de son établissement. Une commission se réunit chaque semaine pour décider de l’attribution d’aides d’urgence, d’un montant de 400 euros en moyenne par étudiant demandeur ». 

Dans cette enquête, nous ne pouvions rester insensibles à la détresse d’étudiants qui nous racontaient l’urgence de leur situation. Beaucoup d’entre nous sommes ou avons été boursiers. En tant qu’étudiante à l’université Paris 8, je le suis personnellement. Nous connaissons trop bien ces situations. Nous avons choisi de mêler le journalisme à l’action : récolter des témoignages, faire notre travail de vérification, enquêter; et envoyer le tout au Crous de Créteil pour qu’il puisse au plus vite régler ces situations. Au Bondy Blog, nous sommes ravis d’avoir fait notre travail journalistique et de nous être engagés pour ces étudiants en détresse. Nous continuerons à suivre leurs situations jusqu’à l’arrivée effective de leurs bourses sur leurs comptes bancaires. Au service de l’information et de l’intérêt général.

Sarah ICHOU

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