Alpha Wann, Membre du Crew 1995, et de L’Entourage se lance en solo le temps d’un EP intitulé Alph Lauren, en référence à la célèbre marque de prêt-à-porter Ralph Lauren. Découvrons un alchimiste en pleine expérimentation.  

Quelque part, dans le sud de Paris, un petit groupe d’apprentis sorciers s’exerce à l’art fleurissant et subversif du hip hop sans se douter  qu’ils en seraient un jour des maîtres enchanteurs. C’est dans des caves infectes et putrides que le groupe 1995 est né. Les soirs durant, sans relâche, ces passionnés de rap écument les scènes et les open-mic à la recherche de nouveaux adeptes à qui jeter de nouveaux sorts. Ils se font connaître peu à peu du grand public au travers de Battles (Rap Contenders), où celui qui écrase à coup de formules piquantes, triviales et tranchantes son adversaire sort gagnant. Un, parmi tant d’autres parvient à se démarquer des autres : Phily Phaal, celui qui, avec Areno Jaz, est à l’initiative de ce projet pharaonique.

La tête d’un premier de la classe, avec un sac à dos toujours assorti à son style tout droit sorti d’un clip de rap américain,  » j‘ai un énorme sac, comme si j’faisais de grandes études « ,  la tête dans les nuages avec sa démarche nonchalante tout en restant lucide sur les réalités de la vie, voilà ce qui caractérise Alpha des autres MC de sa troupe. Il est de bonne école et aspire à en être le premier, ayant étudié en profondeur l’art et les lettres du rap Outre-Atlantique au travers d’émissions télévisuelles, comme sur MTV. Alphonse  est toujours à la recherche de la perfection, de la rime bien tournée, du flow calibré. Ses connaissances lui conférant une aura de sage,  l’une de ses dernières œuvres, Alph Lauren, témoigne de cette quête de perfection, est à vrai dire à l’écoute de cet album, on a vite fait d’être envoûté par les rythmiques et lyrics de ce crack.

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L’Alph Lauren sort de son chapeau, et dès la première écoute nous fait entrer dans l’univers d’un acharné, davantage dominé par la peur de la réussite que celle de l’échec. C’est un peu commun, tous proclament leur légitimité à être couronné, mais peu son crédibles. À chaque rime et phase qu’il incante, Alpha, lui, gagne en stature et en prestance. Les beats sont calmes à l’image de celui qui pose dessus, les phases débitées sont légères et s’impriment aisément dans l’esprit de sa victime. On note sa parfaite maîtrise de l’ironie et l’utilisation d’images claires et limpides à l’écoute des ses morceaux.

Chiller est le maitre mot de cet album complet et arithmétique, loin du rap bling-bling et stéréotypé que l’on peut facilement retrouver dans les clips de rap de nos jours. Pourtant, il ne se présente pas comme un éducateur ou un modèle à suivre, « est-ce que le rôle d’un rappeur est de t’éduquer ? Moi je suis ni ton prof, ni tes parents. » Son rôle à lui c’est de divertir, prendre les sous, et de se tirer dans son bus magique faisant le tour de la France, non pas d’instruire. Il se met souvent en retrait sur les questions brûlantes de l’actualité, il ne cherche pas à être un censeur en matière de goût musical.

httpv://youtu.be/kLCDX8t4kkI[/youtube

Le pari est risqué, sachant que se lancer en solo et réussir n’est pas chose facile. N’est pas Maitre Gims qui veut. Les derniers projets sortis en commun avec son crew 1995 ont démontré qu’il n’est pas seulement un Monsieur Clash, mais qu’il peut être aussi un redoutable lyriciste, ayant un schéma de rime propre à son style. Voilà pourquoi, il se dédie à cette musique comme à une femme. A cause d’elle, il dit ne plus avoir de vie « Je rappe sur le rap, car à cause de lui je n’ai plus de vie ». On ressent à travers ses productions cette peur de se tromper de voie, comme un catalyseur qui le pousse à se surpasser et à donner le meilleur de lui-même à chaque titre, et plus encore.

Bref, Alph Lauren est une pause musicale intense, une fleur de lys dans le monde brut, mais surtout un projet ambitieux et solide fait par un alchimiste prolifique  qui n’est pas là pour faire de la figuration. « La tape de Flingue est folle, les rappeurs français y en a plein que j’apprécie, mais très peu m’impressionnent ».

Jimmy Saint Louis

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