ILS FILMENT LA BANLIEUE. Avec le documentaire Le Choc Charlie et après ? diffusé hier sur France 5, Atisso Médessou, 41 ans, interroge les réactions des sourds et malentendants aux événements de janvier 2015. Portrait.
Destiné à tous les publics et en particulier aux sourds et malentendants, l’émission L’œil et la main de France 5 proposait hier soir, le documentaire Le choc Charlie et après ? Suivant Sid-Ahmed Nouar, français, sourd et musulman, Atisso Médessou interroge la liberté d’expression et la citoyenneté : « A la suite des attentats, Sid-Nouar, comme la communauté sourde, a été touché au même titre que n’importe quel citoyen français. Il était important pour lui de réagir, d’autant plus que son père est algérien, sa mère marocaine, qu’il est musulman, porte une barbe et craignait les amalgames ».
En parallèle de ce documentaire, Atisso Médessou mène une résidence au cinéma François Truffaut de Chilly-Mazarin (91) qui lui permet d’écrire un long-métrage de fiction tout en animant des ateliers de création à destination d’un groupe de 16-23 ans, Les Déviants, issus de l’Alliance Prévention de Chilly-Mazarin : « Je vis le cinéma au quotidien plutôt qu’en étant chez moi entre quatre murs pour écrire ou en flânant à l’extérieur pour trouver l’inspiration ».
Programmant également des films dans le cadre de séances partagées, Atisso Médessou a pris « le chemin le moins fréquenté » pour inventer une « grammaire cinématographique », inspirée de cette génération élevée avec « Vine, Instagram et les réseaux sociaux et qui a développé certains outils pouvant servir l’écriture filmique». Pour lui qui apprécie les films de Kubrick, Scorsese, Richard Fleischer et Robert Wise, le cinéma français d’aujourd’hui qui permet de développer en long des formats courts de la télévision (Connasse, Les Kaïras…), peut se faire en dehors des sentiers battus (Rengaine, Brooklyn…), mais devrait « se concentrer sur la manière de raconter les histoires ».
Né à Cotonou (Bénin) en 1973 d’un père typographe devenu chauffeur de taxi et d’une mère technicienne de surface, Atisso Médessou est le cadet et seul garçon d’une fratrie de trois.  Enfant « du regroupement familial », il atterrit à Paris un jour de 1979, à l’âge de 6 ans, et se souvient d’avoir eu très froid. Lui qui parlait cinq langues au Bénin les perd une à une, jusqu’à ne parler plus que le minan à la maison avec ses parents.
Son enfance entre Paris (75), les Yvelines (78) et l’Essonne (91), Atisso Médessou la définit comme « grise », parce que « tout n’était pas tout blanc ou noir ». De l’Essonne où il a principalement grandi, il n’a d’ailleurs qu’une chose à dire : « c’est dans ce département-là que les Yamakasi, Diam’s, Disiz et Ol’Kainry ont vu le jour et que certains hommes politiques comme Valls et Lamy ont des discours ».
Elève « plutôt moyen » (« je me mettais la pression à la dernière minute »), Atisso Médessou veut très vite être metteur en scène, mais, bon en maths, se voit orienté vers une carrière scientifique. Redoublant sa Terminale D (Scientifique), il décroche finalement son bac avec mention et part avec des amis à New York (« c’était un choc »), réaliser un reportage et un court-métrage de fiction, Les américains. De retour en France, il s’inscrit en Sciences des structures et de la matière à l’Université d’Evry (91) qu’il déserte rapidement, à l’exception des cours d’audiovisuel en option. Tentant le concours de l’école de cinéma Louis Lumière, il entre finalement au BTS Audiovisuel de Boulogne-Billancourt (92) en section image.
Travaillant par la suite comme chef électro sur des tournages, Atisso Médessou s’inscrit ensuite en cinéma à l’Université de Paris Diderot. Il prépare sa maîtrise en deux ans (« j’étais intermittent en parallèle »), puis propose de faire un mémoire sur « Les Noirs sur petit et grand écran » refusé par son directeur d’études : « il m’invitait à m’ouvrir à d’autres communautés ». Se lançant alors dans la vie active, Atisso Médessou réalise plusieurs clips dont celui du tube J’pète les plombs de Disiz la Peste, co-réalisé avec Joyce Edorh. S’enchaînent alors les EPK d’Akhenaton, JoeyStarr ou les Sages Poètes de la Rue pour des maisons de disque. Sa rencontre avec le réalisateur Tewfik Farès lui permet d’intégrer l’équipe d’Opération Télé Cité, reportages de 26 minutes réalisés par des jeunes et diffusés sur France 3 Ile-de-France puis France 3 National.
Pour lui qui a découvert le septième art en écoutant en cachette les films de l’émission La dernière séance que son père regardait, le cinéma a souvent attrait aux quartiers, qu’il soit documentaire – comme le long-métrage Les bandes le quartier et moi, diffusé sur France 5, Etoile de la SCAM 2012 – ou fictionnel, comme le court-métrage Le bruit du silence, réalisé dans le cadre de l’association Tribudom, Prix du Jury des festivals Génération Court et Saint-Paul-Trois-Châteaux 2011, qui lui permet de rencontrer Luc Besson et de développer son long-métrage avec la société Les Films des Tournelles.
Pour Atisso Médessou, le traitement médiatique des banlieues est « déséquilibré », entre point de vue « dominant », apporté par certains journalistes « par méconnaissance, faute de temps ou manque de professionnalisme » et certains « commandements » qui existent dans les quartiers comme de « ne jamais balancer » ou de « rester discret ».
Considérant alors que d’autres visions sont « nécessaires pour rendre compte de cette complexité », Atisso Médessou espère, pour filmer la banlieue, trouver « un genre cinématographique » afin de narrer ses histoires, « en fonction du sujet », surtout « si les personnages s’y prêtent ».
Claire Diao
 
Le choc Charlie et après ? d’Atisso Médessou – 2015 – 26min
Diffusion sur France 5 à 23h le 16 mai 2015 et en replay sur http://www.france5.fr/emissions/l-oeil-et-la-main/diffusions/11-05-2015_325549
Crédit photo : Aude Boissaye

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