Nous avons tous dans notre ville ce petit cinéma, oui, le fameux cinéma municipal, où presque personne ne va, car les films n’y sont projetés qu’un mois après leur sortie dans les plus grandes salles. Ce petit cinéma mal situé, sans attractions alentours. Au Blanc-Mesnil, nous avons le Louis Daquin, une moyenne de 5000 entrées par an, pas de quoi faire peur aux grands distributeurs, même avec des places à cinq euros.

« Nous n’avons pas les moyens de rivaliser, confie Thierry, gardien projectionniste. Deux salles, ce n’est pas suffisant. » Le Louis Daquin poursuit un autre but, celui de « faire découvrir des films que les gens n’ont pas l’occasion de voir ailleurs, des films peu distribués, des films étrangers ». Bref, un cinéma d’un autre genre.

Mais la direction du Louis Daquin ne crache pas sur les superproductions pour autant. Quand un Harry Potter sort sur les écrans, il fait partie des cinémas qui le diffusent. « Avec Harry Potter, on peut facilement atteindre 5000 entrées par semaine », un chiffre énorme pour ce cinéma.

Les jeunes du Blanc-Mesnil, cependant, ne fréquentent pas le Louis Daquin. « Ce cinéma ne me donne pas envie d’y aller », affirme Yoro, 19 ans. Thierry a son explication : « Il n’y a rien pour attirer les jeunes, pas de restaurants. D’autre part, les films diffusés n’intéressent pas tant les jeunes que ça. »

Quand un jeune sort avec ses amis, il ne se rend pas dans un tout petit cinéma municipal, où en l’occurrence, du moins c’était mon cas, il allait déjà à l’âge de 10 ans avec l’école primaire. Il préfère prendre le bus et se retrouver dans un centre commercial, avec un cinéma qui propose des dizaines de films. Il m’est arrivé de dire : « Oh… Je préfère payer cinq euros de plus et faire trente minutes de bus que d’aller à Daquin. » Ce n’est franchement pas la classe de mettre les pieds là-bas.

Je croise un groupe d’adolescents et leur demande pourquoi personne ne vas jamais à Louis Daquin. Leur réponse : « Il pue la merde, ce cinéma », lâchent-ils. Une réponse plutôt cash, qui traduit le sentiment de la plupart des jeunes blanc-mesnilois. Pour la tranche d’âge des 16-25 ans, Thierry m’avoue que c’est perdu. « Mais, ajoute-t-il, souvent ils reviennent vers 30 ans, une fois qu’ils ont leur propre famille. »

Axelle Adjanohoun

Axelle Adjanohoun

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