Celles et ceux qui ont déjà assisté à une pièce d’Alexis Michalik, savent à quel point le metteur en scène aime les histoires complexes et imbriqués les unes aux autres. Force est de constater que ce schéma narratif est de nouveau présent dans Passeport. Ici, le spectateur assiste au véritable chemin de croix d’Issa (interprété par Jean-Louis Garçon) vers le Saint-Graal : un titre de séjour sur le territoire français.

Issa est accompagné de ses deux comparses. Ali, qui a fui la Syrie (Fayçal Safi) et Arun (Kévin Razy), son ange-gardien venu d’Inde. Baladés dans les méandres des services administratifs français, les trois migrants tentent de survivre sur cette terre étrangère à l’aide de combines et ruses parfois peu orthodoxes.

Issa et Lucas, deux personnages que tout oppose face au drame de la migration

Le récit de Lucas (Christopher Bayemi) est sous-jacent à celui d’Issa et ses amis. Le spectateur suit ainsi un jeune gendarme natif de Mayotte, adopté en bas-âge, ayant passé toute sa vie à Calais. Ce fils de militaire est comme qui dirait le bon soldat. Toujours prompt à obéir, sans jamais poser de question.

Plus perturbant encore, le fait qu’il soit peu au fait du sort auquel sont livrés les migrants de cette « jungle ». Cependant, sa rencontre avec Jeanne, une journaliste d’origine malienne, venue en reportage à Calais va au fur et à mesure éveiller sa conscience sur la condition des migrants, ainsi que sur sa propre histoire. Lui, qui n’a jamais remis les pieds sur l’île d’où il fut arraché alors qu’il ne balbutiait que quelques mots à peine.

Les deux histoires vont s’imbriquer et permettre au spectateur de saisir la complexité de la question migratoire, qui demeure un sujet d’actualité.

« Donner des armes contre les idées reçues sur l’immigration »

Dans cette fresque, les décors sont amovibles et les sept talentueux acteurs sont amenés à interpréter différents rôles. Exposer le labeur d’Issa à s’intégrer tant bien que mal, permet de rendre le spectateur plus empathique au sort des migrants qui, comme ce personnage de fiction, sont perdus dans le labyrinthe administratif français. De même pour le personnage poignant de Lucas. Son évolution permet au spectateur de comprendre la tension à laquelle les forces de l’ordre sont confrontées.

Des trajectoires complexes qu’Alexis Michalik réussi à décrire parfaitement. Ce dernier expliquait au micro de France 24, vouloir : « Donner des armes contre les idées reçues sur l’immigration ». La situation migratoire en France est ici étayée par des faits et surtout des chiffres probants, loin de tous les fantasmes véhiculés sur ce sujet si capital. Dans cette pièce, les migrants ne sont pas uniquement des chiffres ou un pourcentage. Ils ont un visage, une histoire et des aspirations.

Hasard du calendrier, la première représentation de la pièce est survenue quelques semaines à peine après l’adoption de la très controversée loi Immigration. Alexis Michalik est venu rappeler que notre histoire s’est écrite à l’aide de l’immigration, et qu’il est donc de notre devoir de mieux traiter celles et ceux qui veulent en prendre part.

Félix Mubenga

Photo ©AlejandroGuerrero

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