« Une interview le jour de noël, c’est particulier ! », lance Sébastien Vaniček avec le sourire. Un sweat gris sur les épaules, le jeune réalisateur est détendu. Le weekend précédent, lui et son équipe étaient dans les Alpes pour présenter Vermines aux Arcs Film Festival avant la sortie nationale.

Le film raconte l’histoire de Caleb, passionné d’animaux tropicaux qui va par inadvertance laisser échapper une araignée ultra-venimeuse dans son bâtiment. Lui, ses potes ainsi que tous les habitants de son immeuble seront pris au piège et devront trouver un moyen d’échapper à ces bêtes tueuses.

Cependant, l’œuvre ne se contente pas d’être un film d’horreur diablement efficace. On y dénonce également les rapports tendus entre police et habitants du quartier, le sentiment de déclassement social et territorial.

« Avec Vermines, je voulais donner une dimension sociale et politique. Les gens ont été marqués par les Dents de la mer ou Get Out, parce qu’il y avait des messages cachés dans ces films », explique Sébastien Vaniček. Afin de totalement plonger le spectateur dans l’ambiance du quartier, les musiques stridentes propres aux films d’horreur se mêlent à des morceaux de rap. On y retrouve aussi cet argot singulier et le style vestimentaire de la jeunesse des quartiers.

Raconter un autre visage de la Seine-Saint-Denis

La pertinence et la justesse avec laquelle le réalisateur dépeint cette cité de la banlieue est parisienne vient sans doute de son histoire personnelle. Sébastien Vaniček a grandi près des Arènes de Picasso à Noisy-Le-Grand. Un grand ensemble qu’au fil du temps les habitants ont renommé les camemberts, en raison de la drôle de forme circulaire des bâtiments. Ce sont ces mêmes immeubles qui serviront de décors à son film. Très jeune, Sébastien se passionne dans un premier temps pour l’imagerie et le graphe.

Puis, alors qu’il n’est qu’un préadolescent, un film va bouleverser sa vie. « La première fois que j’ai vu Gladiator, j’ai été chamboulé. J’ai ressenti des choses intérieurement que je n’avais connues avant. La musique, les plans… Après avoir vu ce film, je savais que je voulais me lancer dans la réalisation », se souvient le Noiséen. Dès lors, Sébastien commence à filmer avec un appareil photo numérique d’abord. Il capte des plans fixes, avant de se décider vers la fin de l’adolescence de commencer ses premiers courts-métrages. « J’avais chauffé mes potes pour participer à quelques-uns de mes projets. Je les écrivais, puis je les filmais avant de les monter moi-même », se remémore le réalisateur.

Quand tu es banlieusard, il est difficile de faire comprendre à ta famille que tu veux gagner de l’argent grâce à de l’art

Néanmoins, son ambition débordante de devenir réalisateur, se retrouve confronté à de nombreux obstacles. « Quand tu es banlieusard, il est difficile de faire comprendre à ta famille que tu veux gagner de l’argent grâce à de l’art. Ils ne considèrent pas cela comme un “vrai métier”. Il faut aussi s’auto-persuader qu’on a le droit de faire du cinéma, et que ça n’est pas réservé à une certaine élite. »

Sébastien enchaîne les courts-métrages avant de se lancer en novembre 2021 dans l’écriture de Vermines. « J’avais à l’idée de faire un court-métrage sur une invasion d’araignée dans un immeuble avec un groupe de trois potes devant aller d’un point A à un point B. Tout en évoquant la vie du quartier », détaille-t-il. Sébastien présente l’idée à son producteur puis à Netflix. Tous sont unanimes et intiment au réalisateur d’en faire un long-métrage. À tel point que la compagnie américaine le subventionnera à hauteur de 30 %.

Dès les premières lignes du scénario, Sébastien nourrit de grandes ambitions pour son premier film. « C’était important pour moi de faire mon premier film là où j’ai grandi. Dans ce film, les personnages se sentent socialement déclassés. Ils s’aiment, mais ont du mal à l’exprimer. Il y a aussi de la solidarité entre les habitants. J’ai retranscrit ici tout ce que je percevais dans les quartiers de Noisy lorsque j’étais plus jeune », soulève le réalisateur.

Un film qui a conquis la critique en France et à l’International

C’est en compagnie de Florent Bernard, auteur pour plusieurs séries dont La flamme et Bloqués, que Sébastien mettra sur pied Vermines. Tous deux tenaient absolument à impliquer les habitants du quartier de Noisy-Le-Grand dans la conception du film. « Avec Florent, nous avions la même vision. Il nous était inconcevable de faire ce film sans les habitants de la cité. Bien qu’on ait l’autorisation de la mairie pour y tourner, il fallait l’approbation de ceux qui y vivent », se souvient-il.

« Nous sommes passés par les acteurs locaux, la maison de quartier et le pôle emploi. Il y avait une bonne ambiance sur le plateau ! Certains ont pu avoir un petit rôle dans le film, d’autres nous aidaient derrière la caméra. »

Et le moins que l’on puisse dire est que cette drôle d’ambiance a porté ses fruits à en croire les critiques dithyrambiques à l’égard de Sébastien Vaniček. Lauréat au festival d’Austin, ainsi qu’au Festival international du film de Catalogne, Vermines a également été projeté en clôture de la prestigieuse Mostra de Venise. « J’étais comme un ouf ! J’ignorais que mon distributeur avait envoyé le film à la Mostra, et lorsque j’ai appris la nouvelle, j’étais au resto. Je suis devenu dingue (rires) », se rappelle-t-il.

Cet enfant du 93 souhaitait avec ce premier film mettre en parallèle les clichés que véhiculent aussi bien les araignées et la jeunesse des quartiers qui l’un comme l’autre caractérise un danger aux yeux de certains. Un pari qu’il réussit, bien aidé par un casting de très haute volée. Suffisant pour aller chercher une nomination aux Césars dans la catégorie du meilleur premier film ? Réponse le 23 janvier prochain pour l’annonce des nommés.

Félix Mubenga

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