En 2006, un clip ovni débarquait de Picardie : Marly-Gomont signé Kamini. Un rappeur qui avait grandi dans la seule famille noire d’un patelin composé de « 95% de vaches et 5% d’habitants ». Basée sur une idée originale de Kamini et réalisé par Julien Rambaldi, cette histoire actuellement en salles s’appelle Bienvenue à Marly-Gomont.

Qui sommes-nous, nous, français nés à l’étranger ou nés de parents venus de l’étranger ? Nous qui avons grandi avec la sensation de ne pas être « vraiment » français ? Nous à qui l’on revoyait toujours nos origines métissées ? Nous qui avons vu nos parents trimer et se sacrifier ? Nous qui avons été nourris de rêve d’avant alors que nous étions constamment bercés par les difficultés du présent ?

Il faudrait parfois se poser la question de l’hôte et de l’invité. Est-ce à celui sur le pas de la porte de se plier en quatre pour entrer ou à celui à l’intérieur de mettre de côté ses peurs et l’inviter ? « Dans l’Histoire coloniale, la migration Nord-Sud était assez faible, donc le processus de mobilité interne dans la société française était faible. Les Français n’ont pas l’habitude de cette mobilité. C’est aussi cela qu’il faut comprendre dans la question du rejet et de la peur permanente de l’autre », témoignait l’historien Benjamin Stora sur le site Africultures.

L’histoire du rappeur Kamini portée à l’écran par Julien Rambaldi et basée en 1975, retrace une trajectoire familiale de Kinshasa à Paris. Enfin, « un peu plus au nord de Paris »… Dans un village dénommé  Marly Gomont où personne n’a encore vu de Noirs.

httpv://www.youtube.com/watch?v=GGPXjiwlWZc

Orphelin du Bas-Congo, diplômé d’une faculté française de médecine, Seyolo Zantoko (impeccable Marc Zinga) accepte d’être médecin de campagne dans un village picard où ce poste est vacant. Débarquant avec femme et enfants, l’homme doit affronter la méfiance des habitants qui préfèrent faire 15km pour consulter dans un village voisin plutôt que de se faire soigner par « cet Africain », une « honte pour la médecine française » comme le glissera sournoisement un opposant au maire. Pour amadouer les villageois, Seyolo Zantoko use de toutes les techniques : fréquenter le bar du coin, jouer aux fléchettes et même, pour se faire un peu d’argent, travailler dans une ferme.

Pour sa femme (Aïssa Maïga, au top de sa forme), l’affront est important. Quitter une capitale pour se retrouver dans un village sans magasin ? Noyant son chagrin à coup de fils internationaux, Anne Zantoko tente de s’intégrer à coup de « vindiou » et de marche à pied. Pour les enfants Kamini (magnifique Bayron Lebli) et Sivi (Medina Diarra), l’épreuve scolaire est imparable. Traités de « noiraude » et de « pépito », il leur faut prendre leur mal en patience. Respectant les prérogatives de leur père « les études avant tout », ceux-ci se voient privés de football et de télévision et n’ont pas le droit de parler lingala.

Avec un titre et une affiche à la Bienvenue chez les Ch’tis, Bienvenue à Marly Gomont pourrait dissuader aux premiers abords. Et pourtant, derrière l’image de comédie populaire, se cache un récit doux-amer empli d’humanité. Que ce soit Jean (Rufus) ou la horde d’amis débarquant de Bruxelles pour les soutenir (clin d’œil à tous ces professionnels Noirs du cinéma que l’on voit trop peu à l’écran : Sylvestre Amoussou, Mata Gabin, Tatiana Rojo, Marie-Philomène Nga…), nombreux sont les personnages de ce film à nourrir l’espoir d’un monde meilleur où la peur de l’Autre ne ferait pas loi.

Décédé en 2009 dans un accident de voiture, Seyolo Zantoko reçoit ici un très bel hommage. Celui d’un fils portant son histoire à l’écran, mais surtout celui, fort actuel et nécessaire, d’un possible vivre ensemble.

Claire Diao

Bienvenue à Marly Gomont de Julien Rambaldi, France, 2016
Avec Marc Zinga, Aïssa Maïga, Bayron Lebli, Medina Diarra

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