« J’ai été tenue informé de cet évènement par la mairie de Paris. J’étais curieuse de voir comment les choses s’organiseraient et surtout, je voulais m’assurer que les artistes des DOM-TOM soient mis sur un pied d’égalité avec les autres artistes », affirme Marie, venue en spectatrice des Trophées des arts afro-caribéens. Comment ça, les « autres artistes » ? « Oui, vérifier que cette cérémonie soit aussi bien organisée et de même niveau que les Césars, par exemple. Mais ce qui m’importe le plus, c’est le fait que ce soit axé sur la négritude. »

Quenne Etémé, chanteuse camerounaise, pense que « cette cérémonie est importante pour toute la communauté noire et pas seulement celle des DOM-TOM, parce que caribéens veut aussi dire africains. Tout ce qui valorise la communauté est bon à prendre. Je suis ravie d’être là depuis le début (des « Césaire », rebaptisés « Trophées) ».

Pour Sarah, l’essentiel, c’est que cela se passe dans le cadre prestigieux du théâtre du Châtelet : « Je travaille pour Art Caraïbes et depuis trois ans, on est partenaire de l’évènement. Le fait qu’aujourd’hui on se produise dans le centre de Paris, prouve bien que le phénomène prend de l’ampleur. Notre art est de plus en plus reconnu et gagne en importance aux yeux des gens. Voyons maintenant ce qu’il en sera ce soir de l’organisation. L’an dernier, ce n’était pas terrible de ce côté-là. » Une organisation sans faille, comprend-on, serait un motif supplémentaire de fierté, une preuve que les « Noirs » peuvent faire aussi bien que les « Blancs ».

Disons-le tout net : l’organisation a péché. La faute, peut-être, à l’impératif France Télévisions. La cérémonie, en effet, était enregistrée par France 2. Tout a donc été pensé pour une retransmission télé. C’est comme si l’on avait assisté à l’enregistrement d’une émission, sur un plateau. La cérémonie commence avec passablement de retard. On a droit à une première apparition d’Olivier Minne et Sonia Rolland (sublime dans sa robe noire), les maîtres de cérémonie. Ce n’est qu’à la deuxième que le silence (pas total) se fait. Dans la salle, des artistes connus : Princess Erika, Stomy Bugsy ou encore Mokobé. Yamina Benguigui et Christophe Girard, adjoints au maire de Paris, Bertand Delanoë, donne le coup d’envoi par ce message politique : « On voudrait que cette soirée porte chance à Barack Obama. »

Place au divertissement. Louisy Joseph, l’ancienne L5, ouvre et le bal, suivie de Bernard Lavilliers, Tiken Jah Fakoly, Soprano, Marc Antoine, Raphael et d’autres, aux prises, parfois, avec des problèmes techniques. Marc Antoine a dû rechanter sa chanson parce que, explique Olivier Minne, « sa performance n’a pas été enregistrée ». Le chanteur Raphael qui ne s’entendait pas au début, a aussi dû tout reprendre du début également. L’impatience et le ras-le-bol se lit sur le visage de certaines personnes, qui prendront la sortie de secours par la suite avant la fin du spectacle.

Mais ne noircissons pas le tableau. Les organisateurs n’oublient pas Aimé Césaire, le véritable « parrain » de la soirée. Et puis, Haïti, meurtri par les cyclones, est sur toutes lèvres. Malamine Koné, créateur de la marque Airness et parrain de la soirée, demande au public d’observer une minute de silence pour l’île, ses morts et ses sinistrés. Raphaël chanté « Haiti, mon pays ». Après l’émotion, le rire. On avait eut droit au « bravitude » de Ségolène Royal, voici « mixitude », néologisme dû à l’un des membres du crew de Willy Denzey (photo, lauréats du le meilleur clip) qui fait s’esclaffer la salle. Autres moments forts : la chute dans l’escalier permettant d’accéder à la scène depuis l’orchestre, de François Durpaire, l’auteur de « L’Amérique de Barack Obama », au moment d’aller chercher son prix du meilleur essai. Emotion à nouveau, avec la standing ovation réservée à Clarence Avant, l’icône la Motown, la célèbre maison de disques américaine.

En fait d’arts afro-caribéens, ce sont surtout les Antilles qui auront été gratifiées (à 75% selon notre décompte des récompenses). Après tout, on est en France. Laissons le mot de la fin à Stomy Bugsy, qui nous a confié : « C’est une bonne initiative que ces trophées, c’est pas mal, mais je trouve ça encore un peu mou. C’aurait pu être mieux mais ç’aurait aussi pu être pire. Mais bon, il ne faut pas oublier que la soirée était placée sous la figure d’Aimé Césaire, un homme dont j’admire la sagesse, la ténacité et la douceur. Cet homme est un exemple pour l’humanité. »

Ndembo Boueya et Nora Yourri

Ndembo Boueya

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