Votre rappeuse préférée était au bord du suicide. Pour vivre, elle a préféré quitter le rap. Depuis, vous n’avez toujours pas fait votre deuil. Elle a sonné le glas avec l’album S.O.S, et le morceau de 10 minutes : Si c’était le dernier, en novembre 2009.

Elle y raconte l’envers du décor : la dépression, l’hôpital psychiatrique, les addictions et les tentatives de suicide. Un chemin de croix qu’elle a aussi abordé dans ses livres, et maintenant dans le film, Salam, diffusé sur Prime Vidéo depuis le 18 novembre.

Salam compte dix titres, dont trois où elle oscille entre slam et rap : : « À force de courir… », « De plus en plus », et « J’me sens coupable ». On retrouve son talent d’écriture, comme si elle n’était jamais partie. Le show business et les paillettes en moins. La paix en plus. Avec sagesse, ses mots résonnent pour décrire la douleur qu’elle a vécue, et le milieu du rap dont elle s’est éloignée.

J’me sens coupable

« Que des gossips, que des gros titres », lance Mélanie Diam’s dans son morceau J’me sens coupable. Elle les connaît les ragots et les gros titres qui l’ont poursuivie : modèle pour les filles de banlieues, rappeuse, engagée, femme, musulmane… Autant de qualificatifs qui l’ont enfermée et réduite. À tel point qu’elle a gardé le silence pour les faire taire. Aujourd’hui encore, les médias lui prêtent des envies qu’elle n’a pas.

Comme le magazine Grazia : « Diam’s : un nouvel album pour l’ex-rappeuse, ce cadeau qu’elle fait à ses fans ». Elle s’oppose à cette lecture. Elle ne sort pas un album, il s’agit de la bande originale de son film, Salam. Point.

Diam’s nous met face à nous-mêmes, face à notre consommation parfois toxique des artistes

Même si elle veut se départir de Diam’s, la rappeuse poursuit Mélanie. Et il est vrai que quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse, nous espérons tous (en secret ou non) son retour. Elle nous met face à nous-mêmes, face à notre consommation parfois toxique des artistes.

Elle le dit : « J’me sens coupable / Coupable d’être vivante, c’est ça ? Et si j’avais pris un flingue ? Et si j’avais vidé la seringue ? Serais-je devenue un héros ? / Ils m’aiment si je leur dis que mourir m’inspire. Il faudrait que je crève pour mieux écrire. Mais je préfère vivre, tant pis. »

À force de courir…

« On m’a dit, c’est parce qu’il te manque l’amour Mélanie. Alors j’ai cherché l’amour des gens. Et ils ont été des millions à m’aimer. Moi aussi, je les aimais. Mais le bonheur, lui, il était toujours pas là. » Voilà ce que raconte Mélanie dans le morceau d’ouverture, À force de courir…

 On a été des millions à l’aimer, c’est vrai. La « grand-mère du rap français » nous a laissé des classiques. Ceux sur lesquels on danse, ceux sur lesquels on pleure, ceux qui nous rendent nostalgiques, ceux auxquels on s’identifie, ceux qui dénoncent.

Elle ne nous a pas seulement laissé sa musique en héritage. Elle nous a laissé un témoignage. Celui d’une rappeuse qui a failli mourir à cause d’une industrie vorace. Mélanie est une rappeuse qui a refusé d’être sacrifiée. Passionnée d’écriture, elle a dû fuir pour exister.

De plus en plus

« Mélanie, c’est ça la vie. Rappe ou tais toi. Arrête de réfléchir, écris puis oublie / J’ai prié pour que tout s’arrête. Que je puisse enfin trouver la paix. Parce qu’en vrai, c’est tout ce que je voulais, moi. Je voulais la paix », narre Mélanie, dans De plus en plus.

Un son qui se pose sur une instrumentale évoluant au fil de ses émotions. Le morceau s’ouvre sur un lit d’hôpital, le bruit d’un défibrillateur en fond sonore. Il se conclut sur le bruit de la mer qui s’accorde avec ses prières pour trouver la paix.

Continuer à sacraliser Diam’s revient à condamner toutes les rappeuses à rester dans son ombre

Il est temps de faire le deuil, comme elle l’a fait. Par ailleurs, continuer à la sacraliser revient à condamner toutes les rappeuses à rester dans son ombre. Dans une rengaine de type « Le rap, c’était mieux avant », la figure tutélaire de Diam’s est parfois utilisée pour dénigrer les nouvelles rappeuses.

Des rappeuses, il y en a. Aucune ne se doit d’être à la hauteur de Diam’s, car aucune ne doit le devenir. Mieux, la trajectoire de Diam’s et ses souffrances devraient être évitées aux nouvelles rappeuses.

Il est temps de lui dire au revoir et d’écouter celles qui sont là. Celles qui font vivre le rap français : Shay, Doria, Chilla, Lala&ce, Le Juiice, Meryl, Moona, Zinée, Vicky R, Davinhor, BabySolo33, Eesah Yasuke, Soumeya, Tracy de Sà, Leys, Nayra, Skia, Pearly, R’may, Ossem, Turtle White, Juste shani, Angie, LaKyshta…

Anissa Rami

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