Malgré les appels au boycott, cette coupe du monde semble être un succès. Certes, il y a eu une perte de 40 millions de téléspectateurs européens, principalement allemands et d’Europe du Nord, mais les Français ainsi que le reste du monde ont répondu présent.

Au prix d’un désastre écologique, de milliards en dépenses, le Qatar a su répondre au défi d’organiser une Coupe du Monde en hiver. L’émirat a donné à voir des stades flambant neufs, climatisés, des pelouses de haut niveau importées des États-Unis.

Voilà pour la logistique, le coût : 200 milliards de dollars. Mais cette Coupe du Monde se chiffre aussi en vies. Au moins, 6 500 travailleurs sont morts sur les chantiers du Mondial. Comme dans chaque pays qui organise des grands évènements sportifs, on retrouve ici un système d’exploitation de travailleurs sans papiers, des rythmes de travail indécents, des accidents, des morts.

Les comparaisons avec les autres compétitions ne peuvent dédouaner le Qatar

Sur internet, les comparaisons entre le Qatar et d’autres pays organisateurs de compétitions pullulent. La Russie et ses prisonniers exploités sur les chantiers, le Brésil et ses stades trop chers dans un pays profondément inégalitaire, la France et ses JO… Beaucoup d’entreprises françaises font d’ailleurs partie de la direction des chantiers au Qatar. Cocorico.

Souvent, ces comparaisons servent à justifier la non-adhésion au boycott. Mais les morts de la Coupe du Monde au Qatar sont sans commune mesure avec les chantiers des précédentes compétitions.

6 500 morts : un chiffre qui devrait imposer la décence

D’aucuns vont jusqu’à nier la réalité de ces morts. Pourtant, les conditions de travail sur des chantiers par 40-45 degrés devrait suffire à faire taire toutes les contorsions verbales destinées à défendre le Qatar.

Les seules victimes sont, encore et toujours, les étrangers, les pauvres, les travailleurs, les exploités. Ceux qui, comme les travailleurs marocains ou maliens en France, ont quitté leur pays natal sur la promesse de pouvoir faire vivre leur famille.

Le Qatar a fait venir des centaines de milliers de travailleurs d’Asie du Sud Est, pour le confort d’un peuple qui présente l’un des PIB (produit intérieur brut) par habitant parmi les plus élevé au monde. Dans cette affaire, la réduction des coûts a primé témoignant d’un mépris racial et social pour les travailleurs migrants non blancs.

La critique légitime du Qatar est vitale

Un pays aussi riche aurait pourtant eu les moyens de faire mieux, infiniment mieux. Le Qatar aurait pu garantir à ces hommes des conditions de travail dignes, des salaires à la hauteur de leur travail titanesque.

La critique légitime du Qatar est plus que nécessaire, elle est vitale face à la globalisation des modèles de maltraitances et d’exploitation. Il faut opposer une critique anticapitaliste et antiraciste qui dépasse les frontières. Une critique à géométrie invariable.

La question du Boycott de la coupe du monde au Qatar est arrivée très tard sur le devant de la scène. Bien trop tard pour avoir un impact politique important. Cette question morale paraît imposée du haut vers le bas. Ce boycott implique la responsabilité du spectateurs plus que celle des États, des fédérations, des multinationales qui ont, elles, contribué à l’avènement de ce mondial.

Lire aussi. Coupe du Monde 2022 : le dilemme du boycott

Pour sa défense, le Qatar a pu trouver des chefs d’État, des parlementaires, des sportifs. Autant de partisans du « À Rome, faites comme les Romains » justifiant la criminalisation de l’homosexualité ou l’explotation des travailleurs étrangers. L’hypocrisie des États est flagrante.

Le Qatar a aussi trouvé des défenseurs chez ceux qui pointent un deux poids, deux mesures. Ces derniers s’offusquent de la véhémence des critiques faites au Qatar au motif que la violation des droits humains reste monnaie-courante dans l’organisation de ces compétitions. Ils dénoncent également des critiques teintées d’islamophobie et de racisme.

Mais est-ce une raison pour se taire face aux oppressions dont se rendent coupables les pays extérieurs à l’Occident ? Est-ce une raison pour se faire le militant bénévole de leur défense ? Assurément, c’est là que se joue le match de l’indignité.

Ne pas justifier son amour du foot par la défense de régimes autoritaires

Je suis un amoureux de l’équipe de France parce qu’il s’agit de la seule institution française d’Élite issue de mon groupe. Lorsque je vois l’équipe de France, je vois les miens. J’aime cette équipe, j’aime les noms que chaque commentateur, partout dans le monde, est obligé de répéter : Mbappé, Saliba, Kolo Muani tous trois de Bondy, Dembélé, Konaté.

Cet héritage que la France est obligée de fixer. Chaque fois que je vois cette équipe, je vois l’échec d’un Laurent Blanc qui a tenté de la blanchir au mépris de la réalité sociale et sportive du pays. L’échec des commentateurs du foot identitaire qui ont placé sur le compte de la mélanine et des quartiers populaires la traversée du désert entre 2006 et 2012 de la meilleure équipe au monde.

Cette équipe, c’est la nôtre

I’m rooting for everybody black, comme dirait Issa Rae aux Emmy Awards. La représentation est un élément essentiel d’une identité positive, installée et respectée. Cette équipe, c’est la nôtre de Bondy à Mâcon. Pas celle de ceux qui relancent tous les quatre matins des débats sur sa légitimité à nous représenter selon qu’elle soit victorieuse ou défaite, pas assez blanche ou trop « racaille ».

Mon amour du football, de l’équipe de France, s’accompagne de la joie devant les victoires du Cameroun ou du Sénégal. Mais aussi devant le parcours électrisant du Maroc, superbe depuis le début de la compétition, vainqueur de la Belgique, de l’Espagne et du Portugal !

Ces émotions positives ne s’étendent aucunement au Qatar, à la FIFA et ses sponsors. Il n’y a d’ailleurs aucune raison pour que la gratitude déborde au-delà des équipes de football. C’est aussi là que se joue la rupture entre les États et les peuples. On devrait regretter d’avoir à composer avec ce goût amer. Même dans un tourment moral, il s’agit de ne jamais sombrer dans l’indignité.

SHT_DONO

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