Mettre en lumière la jeune génération de cinéastes qui raconte la France autrement. Telle est la mission que s’est donnée Claire Diao. La journaliste franco-burkinabè et ancienne chroniqueuse ciné au Bondy Blog sort Double Vague, un essai dans lequel elle théorise le renouveau du cinéma français, animé par de jeunes réalisateurs, elevés dans une double culture et issus des quartiers populaires.

D’Alice Diop à Maïmouna Doucouré en passant par Rachid Djaïdani, Franck Gastambide, Jean-Pascal Zadi… Dans Double vague – Le nouveau souffle du cinéma français, Claire Diao met un coup de projecteur sur ces réalisateurs de double culture issus des quartiers populaires, souvent autodidactes et déjà récompensés.

Plus de cinquante cinéastes s’expriment dans le premier livre de la journaliste, une enquête journalistique fouillée qui leur donne enfin la parole et qui rapporte dix ans de contre-histoire culturelle française. « Double vague », c’est cette génération montante que Claire Diao évoquait déjà en 2015, affranchie de la Nouvelle Vague et qui incarne un nouveau souffle du cinéma français.

Pour en finir avec « un cinéma de papa »

Tout commence par une série de portraits écrits entre 2012 et 2016 sur le site du Bondy Blog. Objectif : mettre en avant les cinéastes qui émergent et qui font des films sur d’autres thématiques, d’autres visages que ceux qu’on a l’habitude de voir dans le cinéma français, des réalisateurs en parallèle du système, qui s’autoproduisent, ne disposent pas de subventions et sont refoulés dans la case « cinéma de banlieue ». Alors qu’en France, il existe un Centre National du Cinéma qui aide aux développement de projets.

Ce travail débuté au Bondy Blog se clôt ici en beauté par ce livre, Double vague. Sur 368 pages, Claire Diao rassemble les parcours de cette nouvelle génération de cinéastes. « Faire connaître les cinéastes que j’évoque à un plus grand public, leur donner la parole, présenter leurs points de vue sur la société et comprendre les mécanismes qui font que la plupart d’entre eux ne sont pas encore connus du grand public », explique la journaliste. L’appellation, « double vague », fait écho au cinéma des années 60, période où de jeunes cinéastes anti-conformistes sont apparus en bousculant les règles établies et ont permis au cinéma d’auteur d’émerger. Depuis, il y a donc cette alternative, ce nouveau souffle composé de cinéastes issus d’une double culture ou, s’ils ne le sont pas, essaient de porter cette double culture à l’écran.

Le cinéma de banlieue n’existe pas

On en apprend également sur les coulisses de l’industrie cinématographique : castings, scénario, etc. L’acteur ivoirien Isaach de Bankolé témoigne : « Il m’arrive souvent de recevoir des scénarios où tous les personnages ont des noms sauf le nègre« . Élément révélateur. Parce que « le réalisateur prend parti, s’engage d’un côté, mais donne aussi la parole aux gens d’en face« , comme l’écrivait le réalisateur français René Vautier, il n’y a pas plus politique qu’une oeuvre d’art.

Qu’en est-il des films qui présentent un prétendue diversité ? Claire Diao prend l’exemple du film Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu et dézingue son succès en trompe-l’œil. Il faut donc des blagues racistes et des boucs émissaires pour qu’un film perce ? Les « professionnels de la profession » s’accommodent dans ce confort. « On ne peut éluder la question coloniale dans la représentation de rôles stéréotypés dans le cinéma français« , renchérit la journaliste.

Un film est tourné en banlieue. Et alors ? Le réalisateurs est issu des quartiers populaires. Et alors ? Claire Diao donne la parole à Nabil Ben Yadir : « Le danger, c’est de dire que c’est extraordinaire. » Beaucoup de ces réalisateurs et acteurs ont commencé à se faire une place dans le cinéma français, et heureusement. Le cinéma peut-il se donner les moyens d’envisager une autre réalité, un nouveau souffle, une alternative ? La réponse de Double Vague est définitivement : oui.

Yousra GOUJA

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